samedi 22 novembre 2014

Lettre

Lettre

Ah ! Ma chérie, que ce sera long ! Tout un mois,
Tout un mois sans ton cher tapage !...
Je te disais hier dans ma lettre : « Je crois
Que je m’habituerai, que j’aurai du courage… »
Oui, j’ai du courage… un moment !
Et puis je retrouve ma peine,
Elle est là, dans l’appartement,
Qui me poursuit et qui se traîne
Derrière moi, le long des meubles, tout le jour…
Ah ! Ces soirs sans baisers, ces matins sans bonjour,
Ces nuits que je passe éveillé
A remuer de vieux souvenirs de bonheur,
Et qui ne comblent plus ton souffle, ni l’odeur
De tes cheveux sur l’oreiller !...
Si tu savais, l’ennui !... l’ennui !...
On est si seul, tout seul ! La chambre est comme morte
Où tu mettais ton ordre et ton désordre. Et puis
Les choses qu’on remue, les armoires, les portes,
Font un bruit différent, bizarre, inexpliqué,
Un bruit de plainte et de malaise, qui insiste,
Et met dans tout ce vide une présence triste
Comme la pluie autour d’un rendez-vous manqué…
Tout prend un sens lugubre : une voix qui chantonne,
Un cri d’enfant, des sons de piano, un pas
Dans l’escalier, la rue tout à coup qui résonne
De fracas qui s’en vont et ne reviennent pas…
Et puis, à la maison, l’air désœuvré des bonnes…
Marthe, qui se plaint et qui gronde,
Exige des ordres pour les repas…
Que veux-tu que je lui réponde ?
Je n’ai pas faim… Je ne sais pas !...
Je n’ai plus qu’un souci : atteindre sans penser
Le bout de ce mois commencé,
Sans m’énerver à sa poursuite…
Il y a des gens, je le sais,
Pour qui le temps, en ce moment, passe très vite.
Et j’essaie, ma pauvre petite,
De me persuader que pour eux et pour moi
Ce mois sera le même mois,
Qu’il passera, qu’il passe… Et je t’écris des lettres
Je t’écris des lettres, tu vois,
Où je n’ai pas grand-chose à mettre.
J’écris, j’écris, sans savoir quoi.
Car les choses que j’ai chaque jour à te dire
Sont de celles, vois-tu, que l’on ne se dit pas
Sans la voix, les regards, les gestes, les sourires…
Et qu’on se dit déjà si mal avec tout ça !...
Alors à quoi bon ? Pour quoi faire ?...
On croit toujours, dans ces propos épistolaires,
Qu’on pourra mettre un peu de son être profond :
Mais ces monologues ne font
Qu’augmenter la distance avec leur rhétorique,
Car il y manque justement
Ce qui seul peut rendre charmants
Ces bavardages : la réplique…
Je suis seul à mourir, mon petit enfant doux…
Au revoir, ma tendresse. Au revoir, ma petite.
Cette chose, c’est vrai, que vous m’avez écrite ?
Dans votre lit, le soir, vous repensez à nous ?...
Je vous envoie mon cœur gonflé de vous, avide
De vous, mon cœur malade et triste à se briser,
Je vous envoie ma peine, et ma vie insipide,
Mon tourment, mon désir, mes soirs éternisés,
Et pour bercer là-bas, cher corps, votre nuit vide,

Des baisers, des baisers, des baisers, des baisers…

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