samedi 22 novembre 2014

Toi et Moi Paul Géraldy 1913

Toi et Moi
Paul Géraldy 1913


Si tu m’aimais, et si je t’aimais, comme je t’aimerais !

Expansions

Expansions
Ah ! Je vous aime ! Je vous aime !
Vous entendez ? Je suis fou de vous. Je suis fou…
Je dis des mots, toujours les mêmes…
Mais je vous aime ! Je vous aime !...
Je vous aime, comprenez-vous ?
Vous riez ? J’ai l’air stupide ?
Mais comment faire alors pour que tu saches bien,
Pour que tu sentes bien ? Ce qu’on dit est si vide
Je cherche, je cherche un moyen…
Ce n’est pas vrai que les baisers peuvent suffire.
Quelque chose m’étouffe, ici, comme un sanglot.
J’ai besoin d’exprimer, d’expliquer, de traduire.
On ne sent tout à fait que ce qu’on a su dire.
On vit plus ou moins à travers des mots.
J’ai besoin de mots, d’analyses.
Il faut, il faut que je te dise…
Il faut que tu saches… Mais quoi !
Si je savais trouver des choses de poète,
En dirai-je plus –réponds-moi –
Que lorsque je te tiens ainsi, petite tête
Et que cent fois et mille fois
Je te répète éperdument et te répète
Toi ! Toi ! Toi ! Toi !...


Nerfs

Nerfs

Oui, tu m’aimes. C’est vrai. Tu es très, très gentille.
Mais il y a des jours, tu sais,
Où je me sens las, agacé,
De t’écouter jouer à la petite fille.
Rire toujours, toujours plaisanter, c’est charmant,
Mais insuffisant, tout de même !
Ce coir, j’ai mal. Oh ! ce n’est rien, évidemment !
Mais je suis énervé. Tu le vois bien toi-même !
Et je pleurerais pour un rien, en ce moment.
Tais-toi donc ! Tu es là qui t’agites, qui causes.
Ta chère voix d’oiseau m’irrite et me fait mal.
L’envers de ton satin n’est pas du même rose ?
Que veux-tu ! C’est plus fort que moi : ça m’est égal !...
Ne fais pas ces yeux-là ! Ça n’a rien de tragique.
Mais non, je ne suis pas en colère ! Tu vois :
Je ne te parle pas méchamment. Je t’explique :
J’ai mal aux nerfs. Pourquoi Tu veux savoir pourquoi ?
Mon Dieu, c’est ce temps-là. C’est assez difficile
A t’expliquer. C’est la fatigue, les ennuis…
Alors pour aujourd’hui, rien que pour aujourd’hui,

Laisse un peu tes chapeaux tranquilles !

Tristesse

 Tristesse

Ton passé !... Car tu as un Passé, toi aussi !
Un grand Passé, plein de bonheurs et plein de peines…
Dire que cette tête est pleine
De vieilles joies, de vieux soucis,
D’ombres immenses ou petites,
De mille visions où je ne suis pour rien !
Redis-les-moi toutes ces choses cent fois dites.
Tes souvenirs, je ne les sais pas encor bien.
Ah ! Derrière tes yeux, cette nuit, ce mystère !
Ainsi c’est vrai qu’il fut un temps où quelque part
Tu gambadais dans la lumière
Avec de longs cheveux épars,
Comme sur ces photographies !
Raconte-moi. C’est vrai ? C’est vrai ?
Tu fus pareille à ce portrait
Où tu n’étais même pas jolie ?
Explique. En ce temps-là, qu’est-ce que tu faisais ?
Qu’est-ce que tu pensais ? Qu’est-ce que tu disais ?
Que se passait-il dans ta vie ?
Ce grand jardin a existé, qu’on aperçoit ?
De quel côté é »tait la grille ?
Es-tu sûre que ce soit toi
Cette affreuse petite fille ?
Ce chapeau démodé, ce chapeau d’autrefois,
Fut ton chapeau ? Tu es bien sûre ?
Et toutes ces vieilles figures,
Ce sont les gens qui te connurent
Avant moi ?
C’est à ces gens que tu dois ton premier voyage,
Ta première nuit dans un train,
Ta première forêt, et ta première plage ?
C’est eux qui t’ont donné la main,
Et qui t’ont prêté leur épaule,
Et qui t’ont dit ; »Regarde là… » ?
Hélas ! Pourquoi tous ces gens-là
Ne m’ont-ils pas laissé ce rôle ?
J’aurais tant aimé t’emporter
Loin, toute seule, et t’inventer
De merveilleux itinéraires !
Je t’aurais révélé les soirs et les étés,
Appris le goût des longues routes solitaires,
Et dit les noms des beaux villages aperçus.
Je t’aurais présenté la Terre.
Je crois que j’aurais très bien su.
Et de tant d’horizons splendides,
De tant de villes, de pays,
Peut-être aurait-il rejailli
Un peu de gloire sur le guide…
Ah ! tous ces gens, petit chéri,
Savent-ils bien ce qu’ils m’ont pris ?
C’est fini. L’on n’y peut rien faire.
C’est l’irréparable. Voilà.
Et cependant tous ces gens-là
Ont l’air de gens très ordinaires.
Cois certaine qu’entre nous deux
Si nous sentons aussi souvent des différences,
Ce n’est qu’à cause d’eux, oui, d’eux,
Qui, sous prétexte de vacances,
Te menèrent de-ci, de-là,
Et mirent leur empreinte, avant moi, sur ta vie…
Ne pensons plus à tout cela.

Range-moi ces photographies.

Sérénité

Sérénité


Qu’est-ce que tu m’as dit encore, en me quittant :
Que l’on ne s’aimait plus ? Mais si, mais si, on s’aime !
Tu as pleuré ? Tu seras donc toujours la même ?
Mais puisque je te dis qu’on s’aime ! Tu m’entends ?
Sois donc plus simple ! Il faut toujours que tu compliques
Les choses ! Dis-toi donc qu’à notre époque, enfin,
Cela devint par trop poncif et ridicule,
Sous prétexte qu’on est des amants un peu fins,
D’écrire Amour et Cœur avec des majuscules.
Nous employons des mots qui ne servent à rien,
Et qui sont très gênants… et dangereux ! On pose !
On dit : mon Cœur, ton Cœur, notre Cœur. On y tient.
Je te jure que l’on s’en passerait très bien,
Et que cela simplifierait beaucoup les choses.
Il n’y a pas nos Cœurs : il y a toi et moi
Oui, toi et moi, qui n’avons rien d’extraordinaire.
Mais on se grise avec des mots, on s’exagère
L’importance de tout, et puis on s’aperçoit
Que la réalité n’est pas à la hauteur.
Je t’en supplie, laissons mon Cœur, laissons ton Cœur !
Soyons nous !... Eh bien ! Oui, c’est vrai, quand on se voit,
On n’est plus très troublé. C’est moins bien qu’autrefois.
Tu ne t’affoles pas. Moi non plus. Eh bien, quoi ?
Il n’y a là rien de bien tragique. Nous sommes
Un peu calmés ? Mais c’est tout naturel, cela.
C’est l’habitude. On est habitué. Voilà.
Si nous nous retrouvons sans passion en somme
Chacun de nous s’ennuie quand l’autre n’est plus là.
On se croit malheureux. On n’a de goût à rien.
On se sent seul… Eh bien ! Mais c’est déjà très bien.



Abat-Jour

Abat-Jour

Tu demandes pourquoi je reste sans rien dire ?
C’est que voici le grand moment,
L’heure des yeux et du sourire,
Le soir, et que ce soir je t’aime infiniment !
Serre-moi contre toi. J’ai besoin de caresses.
Si tu savais tout ce qui monte en moi, ce soir,
D’ambition, d’orgueil, de désir, de tendresse,
Et de bonté !... Mais non, tu ne peux pas savoir !...
Baisse un peu l’abat-jour, veux-tu ? Nous serons mieux.
C’est dans l’ombre que les cœurs causent,
Et l’on voit beaucoup mieux les yeux
Quand on voit un peu moins les choses.
Ce soir je t’aime trop pour te parler d’amour.
Serre-moi contre ta poitrine !
Je voudrais que ce soit mon tour
D’être celui que l’on câline…
Baisse encore un peu l’abat-jour.
Là. Ne parlons plus. Soyons sages.
Et ne bougeons pas. C’est si bon
Tes mains tièdes sur mon visage !...
Mais qu’est-ce encor ? Que nous veut-on.
Ah ! C’est le café qu’on apporte !
Eh bien, posez ça là, voyons !
Faites vite !... Et fermez la porte !...
Qu’est-ce que je te disais donc ?
Nous prenons ce café… maintenant ? Tu préfères ?
C’est vrai : toi, tu l’aimes très chaud.
Veux-tu que je te serve ? Attends ! Laisse-moi faire.
Il est fort, aujourd’hui ! Du sucre ? Un seul morceau ?
C’est assez ? Veux-tu que je goûte ?
Là ! Voici votre tasse, amour…
Mais qu’il fait sombre ! On n’y voit goutte…
Lève donc un peu l’abat-jour !




Chance


       Chance

Et pourtant, nous  pouvions ne jamais nous connaitre
Mon amour, imaginez-vous
Tout ce que le Sort dut permettre
Pour qu’on soit là, qu’on s’aime, et pour que ce soit nous ?

Tu dis : « Nous étions nés l’un pour l’autre. » Mais penses
A ce qu’il dut falloir de chances, de concours,
De causes, de coïncidences,
Pour réaliser ça, simplement, notre amour !

Songe qu’avant d’unir nos têtes vagabondes,
Nous avons vécu seuls, séparés, égarés,
Et que c’est long, le temps, et que c’est grand le monde
Et que nous aurions pu ne pas nous rencontrer

As-tu jamais pensé, ma jolie aventure,
Aux dangers que courut notre pauvre bonheur
Quand l’un vers l’autre, au fond de l’infinie nature,
Mystérieusement gravitaient nos deux cœurs ?

Sais-tu que cette course était bien incertaine
Qui vers un soir nous conduisait,
Et qu’un caprice, une migraine,
Pouvaient nous écarter l’un de l’autre à jamais ?

Je ne t’ai jamais dit cette chose inouïe :
Lorsque je t’aperçus pour la première fois,
Je ne vis pas d’abord que tu étais jolie.
Je pris à peine garde à toi.

Ton amie m’occupait bien plus, avec son rire.
C’est tard, très tard que nos regards se sont croisés.
Songe, nous aurions pu ne pas savoir y lire,
Et toi ne pas comprendre, et moi ne pas oser.

Où serions-nous ce soir si, ce soir-là, ta mère
T’avait reprise un peu plus tôt ?
Et si tu n’avais pas rougi, sous les lumières,
Quand je voulus t’aider à mettre ton manteau ?

Car, souviens-toi, ce furent là toutes les causes.
Un retard, un empêchement,
Et rien n ‘aurait été du cher enivrement,
De l’exquise métamorphose !

Notre amour aurait pu ne jamais advenir !
Tu pourrais aujourd’hui n’être pas dans ma vie !...

Mon petit cœur, mon cœur, ma petite chérie,
Je pense à cette maladie

Dont vous avez failli mourir…

Ames, Modes, Etc.

Ames, Modes, Etc.

Tu ne serais pas une femme
Si tu ne savais pas si bien
Te faire et te refaire une âme,
Une âme neuve avec un rien.
A ce jeu ta science est telle
Que, chaque fois que je te vois,
Tu fais semblant d’être nouvelle,
Et j’y suis pris toutes les fois.
Tu sais qu’à la fin tout s’use.
Que notre amour est déjà vieux,
Alors, tu triches, tu ruses,
Et tu viens avec d’autres yeux,
Tu rajeunis sous des fourrures
L’éclat trop prévu de ta peau,
Tu renais d’un satin, revis d’une guipure…
Et puis, il y a tes chapeaux !
Je crois découvrir en toi quelque chose
De plus grave, de plus profond.
Et c’est tout simplement à cause
D’un de ces grands chapeaux qui font
Les yeux plus noirs, les joues plus roses,
Et qui cachent si bien les fronts !
Ainsi tu sais, femme mille fois femme,
Dès que tu sens mon amour las,
Te composer un parfum d’âme
Que je ne connaissais pas.
Alors, amoureux, je saccage
Tes lèvres de baisers nerveux.
Je prends dans mes mains ton visage
Et je rebrousse tes cheveux.
Je ris, je suis heureux, je t’aime…
Mais quand j’ai défait les chiffons
Et trouvé tes vrais yeux au fond,
Je vois bien que ce sont les mêmes !
Lorsqu’enfin je tiens dans mes doigts
Sous tes cheveux ta tête nue,
Tristement déçu, je revois
Ton front de la dernière fois :
C’est toujours toi
Qui continues…
Je tâche en vain sous mes baisers de ranimer l’âme éphémère.
C’est fini. Le charme est brisé.

Et tu ressembles à ta mère.

Piano

           Piano

Mon amour, j’ai fait pour toi
Une chanson sur trois notes.
Je la joue avec un doigt.
Mets-toi là. Ecoute-la.
Si tu la trouve trop sotte,
Tu me le diras, voilà.

J’aime une petite étrangement belle.
« Pourquoi, me dit-elle, êtes-vous jaloux ?
Cela se voit bien que je suis ficèle
Et n’aime que vous !

Ne plus vous aimer ? Mais c’est impossible !
Vous me paraissez, au milieu des gens,
Tellement plus fin, plus doux, plus sensible,
Plus intelligent !

N’ayez donc pas peur, méchant que vous êtes
Je n’aime que vous. Je ne suis qu’à vous.
C’est très laid, monsieur, de faire la bête
Et d’être jaloux ! »

C’est vrai ! Je la sens à moi tout entière.
Son cœur n’est pas faible et n’est pas hardi.
Elle est très fidèle. Elle est très sincère…
Mais moi je me dis

Qu’à coup sûr, ailleurs, un autre homme existe,
Plus parfait que moi, qui viendra vers nous,
Qu’il sera joyeux quand je serai triste,
Et qu’elle a du goût.

Et je suis jaloux, et je m’inquiète,
Et je perds la tête, et j’ai le cœur gros.

Voilà la chanson que je vous ai faite,

Mon petit oiseau.

Méditation

     Méditation

 Toujours, toute la vie… Oui, ces mots, ces mots bêtes,
Il faut me les redire et me les répéter !
Se quitter ! Nous deux ! Dis ?... On pourrait se quitter ?
Cela te semble fou, monstrueux ?... Oh ! Répète !
J’ai besoin d’être sûr de notre éternité.
…Pourtant, quand mon ami m’affirme : C’est bien elle
La compagne définitive. Que crains-tu ?
Tu n’auras qu’un amour. Vous vous serez fidèles »…

Je suis un peu déçu.

Jalousie

      Jalousie

Je suis jaloux. Tu es là-bas, à la campagne,
Et moi je suis là, tout seul, à présent !
Des parents, je sais, t’accompagnent
Qui ne sont pas très amusants.
Mais je suis jaloux tout de même,
Jaloux de te savoir là-bas par ce printemps…
Tout ce bleu doit te faire oublier que tu m’aimes…
Moi je pense à toi tout le temps !
J’ai l’âme ivre et comme défaite
Je pleure d’amour et d’ennui.
Ton image est là, dans ma tête :
Tu es joliment bien, petite âme aujourd’hui !
Je suis jaloux, quoi que je fasse ou que je veuille.
Il fait tiède et doux à Paris !
C’est adorable ! Et moi je rage et je t’écris,
A toi, à toi petit chéri,
Qui est là-bas om sont les feuilles…
Tu dois avoir ton grand chapeau
De paille blonde et de glycines
Qui met des petits ronds de soleil sur ta peau.
Tu dois bien m’oublier ! Et moi je te devine
Jolie, heureuse… Il fait si beau !
Ah ! Je pleurerais de colère !
Il a plu pendant tout un mois :
Il faut qu’on t’écarte de moi
Quand tu mets le plus nécessaire !
Je ne t’ai jamais tant aimée qu’en ce moment.
Cet air tiède et doux m’exaspère
Qui pénètre l’appartement.
Je t’en veux, je souffre, et souhaite
Que là-bas tu souffres autant.
Ce n’est pas très gentil, bien sûr ! C’est un peu bête.
Mais, que veux-tu ! Je t’aime tant !
Je voudrais que tu me regrettes
Au point de haïr ce printemps…
Je serais même très content
S’il te faisait un peu mal à la tête.


Doute

         Doute

Tu m’as dit : « Je pense à toi
Tout le jour. »
Mais tu penses moins à moi
Qu’à l’amour.

Tu m’as dit : «  Mes  yeux mouillés
Qui ne peuvent t’oublier
Restent longtemps éveillés
Lorsque je me couche. »
Mais on cœur est moins grisé
Qu’amusé.
Tu penses plus au baiser
Qu’à la bouche.

Tu ne te tourmentes point.
Tu sais, sans chercher plus loin,
Que nos joies sont bien les nôtres…
Mais l’amour est n besoin.
M’aimerais-tu beaucoup moins
Si j’étais  un autre ?



Tendresse

Tendresse

Tu m’aimes ?... Qu’est-ce que tu fais ?
Tu ne dis rien. Mets toi plus près.
Laisse ces choses qui t’occupent,
Et viens t’étendre, ici, voyons !
Je ferai bien attention.
Je ne friperai pas ta jupe.
Otons les coussins sils te gênent.
Tâchons de nous installer bien.
Et donnez-moi vos mains, vilaine,
Et mettez vos yeux dans les miens.
Si vous saviez comme on vous aime !
Regardez-moi mieux… encore mieux.
Ça doit bien se voir dans mes yeux
Que je t’ai donné tout moi-même !
Tu le vois, dis ? Tu le comprends ?
Mon amour, ce soir, est si grand,
Si grave, si profond, si tendre !
Mais non, tu ne peux pas comprendre…
Tu dis que si ?... tu es gentil.
Je te dis tout ça, mon petit,
Pour que tu te rendes compte,
Que tu saches… Enfin, voilà.
Regarde : les larmes me montent.
Et rien n’existe, et rien ne compte
Que ces yeux-là, que ce front-là.
Penche ta tête un peu du côté de la lampe,
Et laisse-moi, comme un bandeau,
Mettre les paumes de mes mains contre tes tempes…
Ainsi c’est bien vrai, mon petit oiseau< ;
Ils résument pour moi les tendresses suprêmes,
Ces doux yeux attentifs, ce joli front égal ?...
C’est vrai, dis ?... Je t’aime ! Ah ! Je t’aime !...
Je voudrais te faire du mal.




Apaisement

Apaisement

Chérie, on s’est encore très mal quittés. Pourquoi ?
Mais pourquoi ? On s’était tant promis, l’autre jour,
De toujours bien s’aimer ! Mais tu sais, cette fois,
Je n’ai pas commencé. C’est toi… D’ailleurs, toi, moi,
Qu’importe ? Ce n’est pas toi, ni moi ; c’est l’amour…
Ainsi tu es partie sur ce mauvais adieu !
Et l’ion s’est dit exprès des mots durs, sur le seuil,
La voix mauvaise ! Et moi, j’avais mal à l’orgueil !
Et toi, tu renfonçais tes larmes dans tes yeux !...
C’est étrange. Dès que nous vivons côte à côte,
Nous avons l’air de nous détester. C’est ainsi.
Et ce n’est pas ma faute. Et ce n’est pas ta faute.
Car tu m’aimes. Je le sais bien. Je t’aime aussi.
Peut-être est-ce de trop nous ressembler. Peut-être
Est-ce de trop nous voir et de trop nous connaître.
On sait mieux ses défauts. On est moins indulgent.
On est bête ! On veut trop comprendre… tu comprends ?
On s’observe. On se scrute. On doute. On n’a jamais
Confiance en l’amour. Il faut le laisser faire.
C’est tout simple. Ainsi, tiens : tout à l’heure, on s’aimait.
Il n’y a pas à dire, on s’aimait ! Seulement,
On veut s’aimer comme des gens extraordinaires !
On se tourment ! On ne peut pas rester tranquilles !
Je vous demande un peu ! S’aimer éperdument,
S’idolâtrer… quand c’est déjà si difficile
De bien s’aimer, tout bêtement !...
Enfin voilà – j’ai réfléchit : pour le moment
Je crois qu’il faut nous voir un peu moins… Comprends-tu ?
Nous nous aimons, nous le savons : c’est entendu.
Mais d’en parler toujours, on se lasse, on s’irrite.
Voyons-nous moins souvent. Ainsi, quand tu viendras,
Des choses seront nées que nous n’aurons pas dites,
Et alors tu verras, mon amour, tu verras
Que nous serons heureux et très heureux encore !
Nous aurons des bonheurs nouveaux, j’en suis certain.
Nous allons nous aimer ! Tu verras !... Je t’adore !...
Tâche de revenir de bonne heure demain.