Cette belle fable est dédiée à Ann Montagu, la veuve de
l’ambassadeur de Charles II d’Angleterre en Turquie. Madame Harvey était la
sœur du duc Ralph Montagu. Le frère et la sœur étaient connus pour la liberté
de leurs mœurs.
Le bon cœur est chez vous compagnon du bon sens,
Avec cent qualités trop longues à déduire,
Une noblesse d'âme, un talent pour conduire
Et les
affaires et les gens,
Une humeur franche et libre, et le don d'être amie
Malgré Jupiter même et les temps orageux.
Tout cela méritait un éloge pompeux;
Il en eût été moins selon votre génie :
La pompe vous déplaît, l'éloge vous ennuie.
J'ai donc fait celui-ci court et simple. Je veux
Y
coudre encore un mot ou deux
En
faveur de votre patrie :
Vous l'aimez. Les Anglais pensent profondément;
Leur esprit, en cela, suit leur tempérament:
Creusant dans les sujets, et forts d'expériences,
Ils étendent partout l'empire des sciences
Je ne dis point ceci pour vous faire ma cour.
Vos gens à pénétrer l'emportent sur les autres
Même
les chiens de leur séjour
Ont
meilleur nez que n'ont les nôtres.
Vos renards sont plus fins, je m'en vais le prouver
Par un
d'eux qui, pour se sauver
Mit en
usage un stratagème
Non encore pratiqué, des mieux imaginés.
Le scélérat, réduit en un péril extrême,
Et presque mis à bout par ces chiens au bon nez,
Passa
près d'un patibulaire.
Là, des animaux ravissants,
Blaireaux, renards, hiboux, race encline à mal faire,
Pour l'exemple pendus, instruisaient les passants.
Leur confrère, aux abois entre ces morts s'arrange.
Je crois voir Annibal, qui, pressé des Romains,
Met leurs chefs en défaut, ou leur donne le change,
Et sait, en vieux renard, s'échapper de leurs mains.
A l'endroit où pour mort, le traître se pendit,
Remplirent l'air de cris : leur maître les rompit,
Bien que de leurs abois ils perçassent les nues.
Il ne put soupçonner ce tour assez plaisant.
« Quelque terrier, dit-il, a sauvé mon galant.
Mes chiens n'appellent point au-delà des colonnes
Où
sont tant d'honnêtes personnes.
Il y viendra, le drôle ! » Il y vint, à son dam.
Voilà
maint basset clabaudant,
Voilà notre renard au charnier se guindant.
Maître pendu croyait qu'il en irait de même
Que le jour qu'il tendît de semblables panneaux:
Mais le pauvret, ce coup, y laissa ses houseaux.
Tant il est vrai qu'il faut changer de stratagème!
Le chasseur, pour trouver sa propre sûreté,
N'aurait pas cependant un tel tour inventé ;
Non point par peu d'esprit ; est-il quelqu'un qui nie
Que tout Anglais n'en ait bonne provision?
Mais le peu d'amour pour la vie
Leur
nuit en mainte occasion.
D'autres traits sur votre sujet ;
Tout
long éloge est un projet
Peu
favorable pour ma lyre.
Peu de
nos chants, peu de nos vers,
Par un encens flatteur amusent l'univers
Et se font écouter des nations étranges.
Votre
prince vous dit un jour
Qu'il
aimait mieux un trait d'amour
Que
quatre pages de louanges.
Agréez seulement le don que je vous fais
Des
derniers efforts de ma Muse.
C'est
peu de chose ; elle est confuse
De ces
ouvrages imparfaits.
Cependant ne pourriez-vous faire
Que le
même hommage pût plaire
A celle qui remplit vos climats d'habitants
Tirés
de l'île de Cythère ?
Vous
voyez par là que j'entends
Mazarin, des Amours déesse tutélaire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire