jeudi 16 janvier 2014

6- Concert au paradis- La Sainte Chapelle

Un beau jour est venir qui chante le Magnificat, dans le cœur de l’homme, à l’éternelle amour en prière : l’heure de l’amour où la lumière salue la vie, où la vie est toute lumière.
Sainte Chapelle, la plus belle châsse om l’homme ait enclos les luminaires.
Sainte Chapelle du Saint Roi, en qui toutes les puissances tutélaires se concilient.
Ici, les fées de la forêt celtique, les belles dames de Brocéliande sont venues en Paradis.
Il y a le bleuet de la mer, l’émeraude de l’Océan ; et la rose rouge du soleil, quand il donne tout son sang à la fleur du blé, à l’épi de l’été blond.

Montereau, Montereau, grand homme du saint roi,
Soyez loué pour l’église d’en bas et l’église d’en haut,
Soyez loué pour les ogives virginales, pour les arcs, baisers virils de la pierre ;
Pour ces murs aussi doux que des lèvres,
Pour ces vitraux où tous les poissons du soleil, pêche miraculeuse, sont pris aux rets de l’ombre claire.
Soyez loué pour les divines et chastes proportions, qui sont celles des fleurs.
Soyez loué pour les fenêtres qui ont effacé l’espace, soyez loué » pour le triomphe des couleurs, l’arc-en-ciel des verrières.
Pur et royal comme les lys de son azur, le saint roi à vingt ans vous a choisi, Pierre de Montereau, pour élever en pierres de France comme vous, et de Montrouge près Paris, cette chapelle, oratoire du Paradis.
En sa jeune innocence, Monseigneur Saint Louis, vierge de toute chair en ses vingt ans, a voulu que son écrin aux reliques
Fût un bouquet de gemmes et le flambeau de la Ville.
Les murailles ne sont que flammes, qui éclairent et qui bénissent.
Elles ne brûlent que pour Jésus et sa mère, et ne consument qu’elles-mêmes.

Pierre de Montereau, vous qui, plus tard, quand le trône de Louis pencha vers l’abîme, deviez renaître dans Paris sous le nom de Gabriel,
Vous êtes avec lui le plus pur génie de bâtir et le plus plein de grâce,
Depuis les temps sereins du sourire d’Athènes

Vous autres tous, les architectes et les bâtisseurs d’églises, pour quoi voulez-vous des murailles.
Et qu’avez-vous à faire de blocs, de tailles et de moellons.
Même chrétiennes, la pierre et les murailles ne sont qu’un peu de chair précaire, entre les côtes,
Et qui doivent, elles aussi, tomber en poussière, comme le reste.
Elles ne viennent pas de la carrière Saint-Marcel, comme les mégissiers voisins le croient ;
Et les carriers s’en font vainement gloire bonnes gens :
Elles sont les fibres de la vies : c’est la petite prison du cœur, la mine chaude où on les a prises.
O cœur, ne retiens pas avarement ton sang.
Il n’est plus temps de te défendre : la lumière te boit et le feu des verriers t’appelle.
Retire-toi de ce qui s’use et qui passe : il ne faut pas, en effet, qu’avec le temps tu t’élances :
Mais ici, en te donnant tu t’accomplis, tu te sauves en te perdant.
Monseigneur Saint Louis est pensif au fond de sa chapelle.
Les pauvres en procès, les tristes gens qui réclament justice,
Et qui n’y croiraient plus s’ils ne croyaient en lui,
Sont tous venus du quai dans la boue et la pluie
Ils ont tremblé d’angoisse en passant la poterne ;
Et cheminant entre les tours jumelles, ils ont pensé à la mort : ils ont cherché des yeux la hart qui se tend comme un bras vers le bec des corbeaux.
Mais ils ont vu le Roi aux yeux bleus si candide.
Ils ont vu sa belle figure claire, et sa juste stature en surcot de tiretaine tout comme eux, il est là,
Assis sous la châsse, l'on le voit en été sous un if,
Dans son jardin où les roses fleurissent, et les mésanges grimpent aux échelons du bois, et aux épines.
Et il leur acquit le droit : « Ceci est à vous, et ceci à celui-là. »

Quand il fait beau, et il a fini de juger sous son if,
l'heure sonnée de vêpres, il dit :
Allons, mes pauvres gens, suivez-moi : nous irons prier ensemble dans ma chapelle.
Faites bien attention, mes pauvres amis :
La couronne d'épines est ici : elle goutte encore le sang de Dieu.
Dans ce vase de perle, il y a du lait de la Vierge,
Quand elle donnait le sein à son fils, comme à vous votre mère, comme vos femmes à leurs petits.
Je vais me mettre à genoux devant cette sainte châsse,
Et vous allez vous agenouiller derrière moi.
Ai-je bien jugé votre plaid, mes pauvres petits amis ?
Et vous que j'ai condamnés, allez-vous expier la faute et le péché avec bienveillance ?
Si j'ai bien dit, c'est que Notre-Seigneur m'a fait bien dire.
Si j'ai dit un peu plus de mal qu'il ne faudrait, c'est que j'ai mal entendu la parole que j'ai mal compris :
J'en porterais la peine, et moi seul, non pas vous, mais sujet très soumis.
Un musicien chante dans le vitrail, qui peut-être fut l'ami d'une trop douce démone en Orient :
O couleurs, suave ivresse où l'amour se sourit.
Des fenêtres tombent, en pluie d'août, les fèves nourricières du froment, quand les blés éclatent leurs graines blondes, et que la terre répand son trésor.
Entre les lances des ogives folles, coule le sang des douces femmes, et le sang des martyrs, et la vie des amants, tous les épis de la flamme,
Et la blessure d'Adonis qui est une fée aussi pour le sanglier au poil de fer
Qui le flair l'aime trop pour ne pas le découdre.
O Adonis, réveille-toi, sors des soies meurtrières : toi qui frappes au seuil de la lumière, viens, je t'ouvre les portes du paradis.

Mon bon tailleur de pierre, (prie le roi) m'a fait pour Dieu cette chapelle : seigneur, daignez vous y rendre et vous y plaire.
Elles sont deux en une, comme nous, dans notre espoir et notre vie, dans notre vouloir corrompu et dans notre prière.
La plus haute est toute en fleurs de paradis : la rose et le bleuet, le lys et le glaïeul, l'iris et la primevère.

Elle s'épanouit, la bienheureuse du ciel, sur la nef d'en bas qui est encore pécheresse et douloureuse, en repentance sur le chemin du Purgatoire, aveugle et à tâtons cherchant la voie.
Car la source du feu est nécessaire aux larmes : la fontaine est ouverte pour le bain de toutes les âmes ; et le lieu cruel porte l'homme au lieu béni.

Je suis le Roi. Je veille sur la Châsse. Et souvent, je me lève à midi pour aller chanter matines dans ma chapelle d'arc-en-ciel.
Et quel que soit l'hiver, la neige funéraire, l'hermine du ciel noir,
La Châsse de Notre-Seigneur et de sa Mère est la fleur de l'Aurore : je vois renaître à l'aube le printemps des verrières.
Et je vois monter vers Dieu l'hostie du soleil.
Adorez avec moi l'éternelle lumière.
Petits amis de passage, comme nous sommes tous, et rien de plus, admirez comme les murailles fleurissent.
Vous n'êtes plus, ni moi-même, à présent, dans le mince sépulcre de la vie, à faire notre salut en pleurant :
Oyez la musique des Anges
Voici que tintent entre les lances de la fenêtre, les cloches du matin pour l’Ave de la Vierge ;
Et tous les oiseaux de la lumière, ouvrant leurs ailes, s’accordent pour l’harmonie.
Un chant commence qui me ravit où je voudrais être ; ô puisse-t-il ne pas finir.
Cette chapelle est paradis, et ses prairies de verre sont les jardins du paradis, je vous le dis.
Si nous sommes à genoux, vous avec votre roi, et votre roi avec vous, ses fils,
Bientôt nous allons nous dresser, toutes flammes :
La flèche n’est pas plus vite que l’amour de nos âmes.
Ne pleurez plus, ni même vos péchés :

O vous tous avec moi, nous sommes détachés de la tombe : dans la Sainte Chapelle nous voici : nous voici en paradis.

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