Le Palais Royal où les comédiens de Molière attirent, dès
les premières représentations un public de qualité, est encore tout neuf. Le
jardin, orné par les soins du cardinal de 35.000 charmes et de 25.000
charmilles est l’un des plus beaux de Paris. (Ce qui hélas n’est plus le cas
aujourd’hui, les arbres ont été remplacé par du béton et les affreuses «colonnes
de Buren »
Il est si vaste que Mazarin, afin d’entraîner le jeune Louis
XIV, y a donné des chasses à courre. Le futur roi de France a passé là son
enfance, à la fois dans le luxe et dans une sorte de bohème : les murs
étaient couverts d’or mais les draps de lits étaient troués. Pour apprendre au prince l’art de la guerre, on
avait fait construire dans le jardin un fort en réduction. C’est encore dans ce
palais, qui s’appelait alors le Palais –Cardinal, qu’il a pris, avec une dame
d’honneur d’Anne d’ Autriche, ses premières leçons d’amour.
Le roi de France revient volontiers dans ce décor qui lui
rappelle des souvenirs si variés. Il rend visite à sa tante, reine en exil, et
à sa cousine, cette Henriette d’Angleterre qu’il marie à son frère, le duc
d’Anjou, en 1661. Les jeunes mariés s’installent au Palais-Royal. Monsieur est
séduisant mais il porte trop de bijoux, on critique ses goûts efféminés, et
l’on critique aussi les hommages prodigués par le roi à sa jolie belle-sœur. C’est elle-même qui,
afin de détourner l’attention de leur badinage, jette Louis dans les bras de
Mlle de la Vallière qu’elle juge la plus insignifiante, la plus naïve de ses
dames d’honneur.
Louis XIV est si touché par l’amour sincère et pur de Louise
qu’il lui donnera quatre enfants. Leur romanesque aventure fait sourire les
belles ambitieuses. La jeune femme est installée dans une dépendance du palais,
l’hôtel Brion, où son royal amant vient la retrouver sous prétexte de se rendre
à la salle de billard aménagée au rez-de-chaussée.
Dans le quartier du Palais-Royal, la belle clientèle vient
faire ses emplettes : Les marchands
qui font des garnitures de rubans ont leurs boutiques dans les cours, salles et
galeries du Palais ; il y a aussi plusieurs boutiques de lingères qui
vendent des dentelles et garnitures de tête... Il s’y fait également grand
commerce de parfums, onguents et pommades, et les meilleurs produits viennent
de chez Martial, le parfumeur du roi – dont Molière fait mention dans « la
Comtesse d’Escarbagnas » - et qui fabrique devant Louis XIV les parfums qui lui sont destinés. Sa
Majesté a sans doute conservé le souvenir de certains gants de senteur, dont
les exhalaisons empoisonnées ont fait périr la reine de Navarre.
Afin de se rapprocher de son nouveau théâtre, Molière
déménage et emmène sa tribu rue Saint-Thomas-du-Louvre où il a loué, au coin de
la rue Saint-Honoré, face au Palais-Royal, une maison assez vaste pour loger
neuf personnes : Marie, la veuve du père Béjart, Madeleine, sa sœur
Geneviève, son frère Louis, Armande et le Ménage de Brie, dont Molière ne peut
se passer. Le marin qui joue les « utilités » a une si grande
admiration pour le « maître » qu’il oublie d’en être jaloux. Sa douce
épouse, Catherine, la plus jolie, la plus tendre des ingénues, a pris
l’habitude de consoler Molière de tous ses ennuis, elle lui ouvre son cœur et
ses bras dès qu’il le lui demande. Madeleine, à
quarante-huit ans, acariâtre et jalouse, fait des scènes fréquentes,
aggravées par la présence d’Armande, jeune gille qu’elle dit être sa sœur et
dont Molière, plus ou moins consciemment, est devenu amoureux. Il l’a vue
grandir, se transformer en femme. Madeleine, devinant le danger tente, par
mille moyens, d’empêcher cette intrigue. Catherine de Brie, jalouse elle aussi,
essaie de conserver l’amour de Molière. Armande, ne cherche qu’à se faire
épouser par le directeur-auteur. Quant à Molière, il ne rêve que des charmes de
cette jeune coquette de dix-neuf ans. Il a vingt ans de plus qu’elle. Dans les
coulisses on chuchote qu’elle n’est pas, ainsi qu’on l’a prétendu, la sœur de
Madeleine, mais sa fille. L’amoureux ne veut rien entendre.
Chapelle, un de ses bons amis, s’amuse de le voir, comme le
Jupiter d’Homère, aux prises avec trois femmes, Junon, Minerve et Vénus :
Tiens-toi
neutre, et, tout plein d’Homère,
Dis-toi
bien qu’en vain l’homme espère
Pouvoir
venir jamais à bout
De
ce qu’un grand dieu n’a su faire.
Junon, c’est, dans l’esprit de Chapelle, Madeleine, qui
craint l’influence d’Armande sur Molière amoureux ; Vénus, c’est la blonde
Catherine, complaisante et voluptueuse ; quant à Minerve, c’est la jolie
du Parc, sur son piédestal, encensée par le vieux Corneille, courtisée par
Molière, qui a écrit pour lui plaire de petits vers galants. Cette coquette-née
lui fait peu de scènes de jalousie, car elle se préoccupe uniquement de
séduire, de séduire n’importe qui. Tous les moyens lui sont bons, le
« Mercure de France » nous dit même qu’elle montre ses jambes
« au moyen d’une jupe ouverte des deux côtés, avec des bas de soie
attachés au haut d’une petite culotte ». C’est aussi Armande, froide et
calculatrice, que l’on peut comparer à Minerve.
Personne, dans l’entourage de Molière, ne reconnaît le
joyeux poète qui chantait, hier encore, des poésies composées pour ses
amoureuses :
Enfin,
soit que tu promènes
Tes
beaux yeux, qui sont mes rois,
Sur
l’onde ou parmi les plaines,
Sur
les monts ou dans les bois,
Tout
fait « lan la Landeridette »
Tout
fait « Lan la Landerida »...
Il a perdu le goût de chanter, pris à la fois par les
travaux du théâtre, la pièce qu’il écrit, les colères de Madeleine, les
agaceries d’Armande et les tendres reproches de Catherine. Grimarest a relaté
ce moment de la vie de Molière, qui ressemble à l’enfer de M. Sartre : La Béjart, qui le soupçonnait de quelque
dessein sur sa fille, le menaçait souvent en femme furieuse et extravagante de
le perdre, lui, sa fille et elle-même, si jamais il pensoit à l’épouser. Cependant
la jeune fille ne s’accomodoit point de l’emportement de sa mère, qui la
tourmentoit continuellement, et qui la fesoit essuyer tous les désagréments
qu’elle pouvoit inventer.
Un pamphlet, publié en 1688, « La Fameuse
Comédienne », donne une version différente du comportement de Madeleine,
jalouse de Catherine depuis plusieurs années :
Comme Madeleine vit que c’était un mal sans remède, elle
prit le meilleur parti, qui était de s’en consoler, en conservant toujours sur
Molière l’autorité qu’elle avait eue, et l’obligeant à prendre des mesures pour
cacher le commerce qui était entre lui et la De Brie. Ils demeurèrent quelques
années en cet état. Cependant la petite Béjart commençait à se former, ce qui
donna la pensée à sa mère, qui avait perdu depuis longtemps l’espérance de
faire revenir Molière à elle, de le rendre amoureux, était fort bien
faite ; et Armande, qui n’a aucun trait de beauté, n’avait point dans sa
jeunesse ces manières qui l’ont, depuis, rendue recommandable.
Mais de quoi une femme jalouse ne vient-elle pas à bout
lorsqu’il s’agit de détruire une rivale ? Elle remarquait avec plaisir que
Molière aimait fort la jeunesse, qu’il avait de plus une inclination
particulière pour sa fille, comme l’ayant élevée... Enfin, elle conduisit si
bien la chose, qu’il crut ne pouvoir mieux faire que de l’épouser. La de Brie,
qui s’aperçut des desseins secrets de sa rivale, mit, de son côté, tout en
usage pour empêcher l’accomplissement d’un mariage qui offensait si fort sa
gloire. Rien ne lui paraissait si cruel que de céder un amant à une petite
créature qu’elle jugeait, avec quelque raison, lui être inférieure en
mérite ; elle en témoigna son inquiétude à Molière et le mit en quelque
incertitude par ses reproches. Il conservait beaucoup d’honnêteté pour elle, et
il avait des gages de son amour qui le mettaient dans la nécessité d’avoir ces
sortes d’égards...
Des égards, il en avait aussi pour Madeleine, la fidèle
compagne de sa jeunesse, responsable de sa vocation et de sa réussite
Madeleine Béjart était la fille d’un huissier des eaux et
forêts de France à la Table de Marbre de
Paris. Elle avait compris, dès sa quinzième année, qu’une file jolie et
intelligente n’avait rien à attendre
dans le foyer encombré d’enfants d’un modeste fonctionnaire aux fins de mois
difficiles. Quand elle fut lasse d’emmailloter des petits frères et des petites
sœurs, elle alla chercher la situation que ses charmes lui permettaient
d’espérer. Elle la trouva...
A dix-huit ans, « émancipée d’âge », elle possède
déjà une petite maison dans le quartier à la mode, rue de Thorigny, à quelques
pas de l’aristocratique place Royale et de cette rue Vieille-du-Temple où la
bonne société se bouscule pour aller voir représenter « Le Cid » de
Corneille, au théâtre du Marais. La fille de l’huissier des Eaux et Forêts est
fort séduisante : beaux yeux, bouche parfaite, teint clair et cheveux roux ;
elle ne manque pas d’esprit et sait même, à l’occasion trousser quelques vers.
Lorsque Rotrou, l’un des familiers de l’hôtel de Rambouillet, termine sa
tragédie « Hercule mourant », elle lui adresse, comme tout le monde,
un poème de circonstance :
Ton
Hercule mourant va te rendre immortel,
Au
ciel comme sur la terre, il publiera ta gloire,
Et,
laissant icy-bas un temple à ta mémoire,
Son bûcher
servira pour te faire un autel.
On ignore si Madeleine a choisi
toute seule la carrière théâtrale qui lui permit de rencontrer son premier
amoureux sérieux ou si, au contraire, c’est lui qui, afin d’augmenter son
prestige de gentilhomme parisien, eut l’idée de pousser sa conquête vers les
planches.
Ce prince Charmant, le noble
chevalier Esprit-Rémond de Moirmoiron, seigneur de Modène et autres lieux, est
chambellan de Gaston, frère du roi Louis XIII. Il est amateur de comédie et de
comédiennes, et comme il habite l’hôtel de Guise, voisin du théâtre du Marais,
c’est là qu’il passe une partie de son temps. on peut admettre qu’il a installé
Madeleine, la jolie rousse, à côté de chez lui, dans cette maison de la rue de
Thorigny, uniquement parce qu’il aime le théâtre, car Esprit –Rémond de
Moirmoiron est marié et père de famille. Malheureusement pour la morale de l’histoire, cette situation n’empêche pas
les sentiments. Madeleine met au monde, le 3 juillet 1638, une petite fille
bien constituée dont le duc de Modène tient essentiellement à faire savoir
qu’il est l’heureux père. Le 11 juillet, il fait porter son nom et ses titres
sur l’acte de baptême de la petite Françoise, et charge un de ses amis de
représenter le parrain sur les fonts baptismaux. Ce parrain, absent de Paris,
n’est autre que son propre fils légitime, âgé de sept ans. L’acte de baptême a
été conservé sur les registres de Saint-Eustache.
Le duc de Modène, qui n’avait
alors que trente ans, était trop bouillant, trop agité pour vive à côté de la
jeune maman. Il s’engagea dans la conspiration des ducs de Guise et de
Bouillon. Après l’échec de cette entreprise, il se retira prudemment dans sa
propriété du comtat Venaissin, terre papale où l’on était beaucoup plus
tranquille qu’au château de Vincennes.
En 1639, il n’y a pas de place
pour une débutante, même jolie, dans les deux théâtres parisiens : l’Hôtel
de Bourgogne et le Théâtre du Marais ; Madeleine Béjart suivra donc une
troupe de campagne et ira faire son apprentissage de comédienne dans le midi de
la France. Aucun témoin n’a révélé si elle avait retrouvé ou non, au cours de
cette longue tournée, le galant duc de Modène. On le suppose, simplement, mais,
lorsqu’en février 1643 elle met au monde une seconde petite fille, elle
dissimule l’acte de baptême, et le père ne manifeste pas le même enthousiasme
que cinq ans plus tôt lors du baptême de la petite Françoise.
Le père Béjart vient de mourir,
Madeleine, à vingt-six ans, se retrouve en famille, elle doit s’occuper de ses
enfants, de sa mère, de sa sœur et de ses frères. Puisqu’elle aime la vie
errante des comédiens et qu’en province les spectateurs ne sont pas trop
exigeants, elle fera apprendre des rôles à Geneviève, sa sœur, qui sera une
soubrette fort convenable, et à Joseph, son frère aîné, affligé d’un léger
bégaiement, ce qui n’a, dit-elle, aucune importance : dans le rôle de
héros, « on croira que c’est l’émotion » ! Louis, le plus jeune
frère, étudiera les bons auteurs en attendant l’âge de monter sur les tréteaux.
Complétée par quelques voisins
plus ou moins doués, la troupe que Madeleine baptise « Les Enfants de
Famille » va tenter de divertir un public complaisant.
C’est à cette époque que
Jean-Baptiste, fils de Jean Poquelin, tapissier ordinaire du roi, prend une
décision qui afflige les siens. Après s’être fait recevoir avocat à la faculté
d’Orléans, cet aventureux jeune homme renonce à la charge paternelle, au
barreau, à la vie bourgeoise et même à l’honneur : il veut jouer la
tragédie. Cette vocation le tourmentait depuis trois ans déjà. Il a fait la
connaissance de Tiberio Fiorelli, dit Scaramouche, dont il admire les
pantomimes, il a joué quelques petits rôles dans des spectacles d’amateurs, et
il a été vivement impressionné par les sourires de la protégée du duc de
Modène, Madeleine Béjart. Elle, de son côté, n’a pas oublié l’étudiant
impétueux qu’elle retrouve, prêt à se joindre aux Enfants de Famille. Il a
vingt ans, elle en a vingt-six. Elle le fait, sans tarder, profiter de son
expérience et, bientôt, Jean-Baptiste, séduit, abandonne tout pour la suivre.
Le 30 juin 1643, les amoureux ont mis au point un grand projet, ils vont fonder
une troupe capable de concurrencer celle de l’Hôtel de Bourgogne ; avec
huit comédiens ils signent ce jour-là le contrat d’association.
L’ »Illustre Théâtre » est né.
Jusqu’à la fin de cette année de
fièvre et d’espérance, Jean-Baptiste et Madeleine préparent les programmes, les
costumes et la décoration de la salle. Les comédiens associés ont loué le jeu
de paume des Métayers, à côté de la porte de Nesle, belle salle pouvant
contenir six cents spectateurs, mais dans laquelle il faut construire des
barrières, une scène, des loges et installer l’éclairage. Devant la porte, le
terrain est si boueux qu’il est indispensable de faire paver douze toises de
chaussée pour permettre l’accès des carrosses. Léonard Aubry, paveur de Sa
Majesté, s’en occupe, mais malgré la qualité de son « esplanade »,
les carrosses ne viennent pas.
Les acteurs de l’Illustre Théâtre
manquent de métier ; seule, Madeleine Béjart a quelque habitude des
planches. Tous font cependant de grands efforts pour attirer le public, ils
embellissent le théâtre, augmentent le nombre des chandelles, diminuent les
prix des places ; Madeleine, craignant que la couleur de ses cheveux ne
soit une cause d’insuccès, les fait teindre ; on engage une attraction, le
danseur Maller, dont Jean-Baptiste Poquelin, qui a pris la direction de la
troupe, signe lui-même le contrat, en juin 1644. C’est la première fois que
Poquelin utilise son nouveau nom de théâtre : Molière.
Rien ne décide les Parisiens à
venir applaudir la troupe de l’Illustre Théâtre qui a pourtant bien besoin
d’encaisser des recettes sérieuses. Le 1er août, Molière est
emprisonné au Châtelet, pour une facture de chandelles impayée de cent
quarante-deux livres ! A peine libéré, il se retrouve au Châtelet pour une
affaire du même genre, et il ne doit la liberté qu’à son paveur qui accepte de
verser la caution. Les dettes de la compagnie s’élèvent à quatre mille sept
cent quatre-vingt-trois livres.
Après une seconde expérience dans
une salle du quartier Saint-Paul, aussi
déficitaire que la première, la troupe se disloque.
Dans un pamphlet contre Molière, intitulé
« Elomire (anagramme de Molière) hypocondre ou les Médecins vengés »,
un humoriste Le Boulanger de Chalussay, bien renseigné sur la vie de son
ennemi, lui fait ainsi raconter ses déboires :
Je
cherchai des acteurs qui fussent, comme moi,
Capables d’exceller dans un si grand emploi,
Mais me voyant sifflé par les gens de mérite,
Et ne pouvant former une troupe d’élite,
Je me vis obligé de prendre un tas de gueux,
Dont le mieux fait était bègue, borgne et boiteux ;
Pour les femmes, j’eusse eu les plus belles du monde,
Mais le même refus de la brune et la blonde
Me jeta sur la rousse, où, malgré le gousset,
Grâce aux poudres d’alun je me vis satisfait.
La faillite est soulignée avec
méchanceté :
Car
alors, excepté les exempts de payer,
Les
parents de la trouve et quelque batelier,
Nul
animal vivant n’entra dans notre salle,
Dont,
comme vous savez, chacun troussa sa malle.
Madeleine et Molière, qui n’ont
perdu ni l’amour ni l’espoir, s’en vont, avec les Béjart, à la conquête des
provinces. Ils entrent dans la compagnie de Charles du Fresne, attachée au
gouverneur royal pour la Guyenne, le duc d’Epernon. Molière y conserve
obstinément les rôles tragiques qu’il interprète médiocrement... Ce n’est
qu’après avoir, dit-on, reçu des pommes, qu’il se décide à développer son
talent comique. Ses succès et son autorité en font alors un chef de troupe. Du
Fresne lui cède sa place et Madeleine, maîtresse attentive, lui conseille de
composer des comédies pour suppléer à la pauvreté du répertoire. Directeur,
metteur en scène et acteur, Molière va devenir auteur. Ses premiers essais,
« Le Médecin volant » et « La Jalousie du Barbouillé »,
trouvent un accueil qui l’encourage. En 1655 (d’après le registre tenu par La
Grange), il présente « L’Etourdi », à Lyon où un public raffiné
apprécie sa troupe ; on dit même que c’est « la meilleure sous le
rapport du mérite des acteurs et de la richesse des costumes ».
L’existence des comédiens
enrichis est devenue une fête perpétuelle. Les recettes sont si brillantes que
la compagnie peut engager de nouvelles vedettes, Mlle de Brie et Mlle du Parc.
Madeleine fait venir près d’elle la
petite fille née mystérieusement en 1643. C’est une charmante fillette de douze
ans, nommée Armande, qui sort de pension et que Madeleine présente comme sa
jeune sœur. L’enfant, que chacun appelle Menou, va vivre désormais avec Molière
et tous les Béjart, Geneviève, Joseph et Louis, le cadet, dit l’Eguisé.
En grandissant, la petite Menou
apprend le métier. Elle danse gracieusement et elle chante aussi bien en
français qu’en Italien. On commence à l’initier au théâtre, elle fait partie de
la figuration ; dans un projet de distribution on trouve même indiqué un
rôle pour Mlle Menou.
La troupe de Molière quitte Lyon
pour Grenoble et Grenoble pour Rouen où une bonne renommée l’a précédée ;
les deux frères Corneille s’intéressent à ces comédiens de talent et tout
particulièrement à Mlle du Parc.
Molière, qui rêve d’une revanche,
voudrait présenter à Paris son théâtre comique. Les derniers mois de 1658 l’ont
vu bien souvent sur la route de la capitale, où il s’est dépensé en visites et
a sollicité des appuis afin d’obtenir l’autorisation du roi. Les frères Corneille lui font enfin
rencontrer Monsieur, frère de Louis XIV, qui organise une soirée devant Sa
Majesté. Le programme est bientôt fixé : on jouera « Nicomède »,
ce qui flattera les Corneille et permettra à Madeleine de se montrer dans
un rôle qui lui convient : Molière
y ajoute « le Docteur amoureux », petite farce dans le goût italien
om il est certain d’un succès personnel. Les comédiens arrivent au Louvre avec
un titre nouveau : « Troupe de Monsieur, frère unique du
Roi ». La représentation décisive a lieu le 24 octobre, devant Leurs
Majestés et toute la cour, sur une scène que le roi a fait dresser dans la
salle des gardes.
« Nicomède » semble un
peu ennuyeux, mais le roi s’amuse du « Docteur amoureux ». Un placet
bien tourné, débité par Molière, achève le travail : Louis XIV, séduit,
lui accorde l’autorisation de jouer dans l’hôtel du Petit-Bourbon en alternance
avec les comédiens italiens. Solution imparfaite, car les comédiens –italiens
ne laissent à Molière que les jours extraordinaires : les lundis,
mercredis, jeudis et samedis.
Le 2 novembre, la troupe
représente deux pièces de Molière : « L’Etourdi » et « Le
Dépit amoureux » qui remportent un énorme succès que Le Boulanger de
Chalussay lui-même reconnaît dans son pamphlet :
Je
jouai « L’Etourdi », qui fut une merveille...
Du
parterre au théâtre, et du théâtre aux loges,
La
voix de cent échos fait cent fois mes éloges ;
Et
cette même voix demande incessamment
Pendant
trois mois entiers ce divertissement...
Mon
« Dépit amoureux » suivit ce frère aîné
Et
ce charmant cadet fut aussi fortuné.
Lorsqu’en 1659, au début du carême,
le théâtre ferme ses portes selon la coutume, les dix comédiens associés ont
partagé plus de six mille livres gagnées en cinq mois.
La troupe italienne ayant
abandonné le Petit-Bourbon, Molière et ses comédiens bénéficient enfin de ces
jours ordinaires où il est de bon ton d’aller au théâtre : les mardis,
vendredis et dimanches. On joue un tour de moins mais les recettes sont bien
meilleures. Elles sont encore meilleures lorsque, renonçant aux reprises,
Molière présente sa première grande pièce : « les Précieuses
ridicules », le 18 novembre 1659, devant tous les beaux esprits. Ménage a
noté quelques noms : J’estois à la première représentation des
« Précieuses ridicules »... Mademoiselle de Rambouillet y estoit,
Madame de Grignan. Tout le cabinet de l’Hostel de Rambouillet, M. Chapelain et
plusieurs autres... La pièce y fust jouée avec un applaudissement général.
Trop d’applaudissements au gré de
quelques jaloux qui réussissent à faire interdire la pièce dès le lendemain de
la première. Excellente réclame qui permet, quinze jours plus tard,
l’interdiction levée de jouer « à l’extraordinaire ». On appelle
ainsi l’opération simple qui consiste à doubler, à titre exceptionnel, le prix
des places. La première avait remporté cinq cent trente-trois livres ; les
recettes des représentations suivantes montent jusqu’à mille.
Encouragé par ce triomphe, le
directeur de la troupe va continuer à écrire. A la rentrée, il présente
« Sganarelle ou le Cocu imaginaire », qui est très apprécié, puisque
vingt-six représentations consécutives rapportent au total douze mille cinq
deux livres. De telles réussites indisposent les rivaux de Molière, qui, à
force d’intrigues, persuadent M. de Ratabon, le surintendant des Bâtiments, de
faire démolir d’urgence l’hôtel du Petit-Bourbon. Cette démolition, prévue pour
permettre la construction de la colonnade du Louvre, n’était pas encore
nécessaire à cette époque. En octobre 1660, sans avertissement préalable, les
comédiens de Molière sont privés de théâtre. Le lundi 11me octobre, le théastre du Petit-Bourbon commença à estre
desmoly par Monsieur de Ratabon... sans en avertir la troupe qui se trouva fort
surprise...
Après trois mois de chômage,
compensés par quelque « galas » que l’on nomme des
« visites », les comédiens obtiennent de Louis XIV la permission de
jouer au Palais-Royal, où vingt ans plus tôt, on applaudissait les tragédies de
Richelieu. C’est la seule sale de Paris où la scène possède quelques
perfectionnements, on y peut loger
plusieurs centaines de spectateurs, il y a vingt-sept rangs de parterre, mais
elle est en mauvais état. Les réparations, démolitions et rétablissements
durent plusieurs semaines et coûtent deux mille cent quinze livres.
Ouverte en janvier 1661, la
nouvelle sale ne porte pas bonheur à Molière, qui connaît avec « Don
Garcie de Navarre » son plus grand échec. Cette tragi-comédie ne sera
représentée que sept fois, on la retire de l’affiche, la septième recette
n’ayant atteint que soixante-dix livres. L’auteur malheureux se remet au
travail, mais il renonce définitivement à ce domaine tragique qui l’attire
depuis le début de sa carrière.
Cette même année 1661, Molière
reprend la charge de son frère qui vient de mourir : il cherche ainsi à se
rapprocher de la cour et s’acquitte, d’ailleurs fort bien, ainsi que
l’affirment ses contemporains, de cette charge de tapissier et valet de chambre
du roi : Son exercice de la comédie
ne l’empêchait pas de servir le Roy dans cette charge où il se montrait assidu.
Peut-être Molière cherche-t-il
aussi dans cette assiduité le moyen de fuir la demeure de la rue
Saint-Thomas-du-Louvre où trois femme conspire et intriguent autour de lui.
L’ambitieuse Armande poursuit son but au milieu de tous ces complots qu’elle ne
peut ignorer. Il est évident qu’elle n’éprouve aucun sentiment profond pour
Molière, mais qu’elle convoite la position de directrice de la compagnie. Elle
souhaite des rôles à sa taille. Déjà Molière en écrit un pour elle ; dans
« L’Ecole des maris », elle sera la jeune Léonor, fiancée à un homme
de soixante ans, Ariste, le frère de Sganarelle. Cette pièce a été inspirée à
Molière par sa propre situation. Quant au rôle destiné à Armande, l’auteur
désire qu’il soit pour elle une bonne leçon, et il met dans sa bouche les sages
recommandations qu’il n’ose pas lui faire lui-même :
Léonor.-
... O l’étrange martyre !
Que
tous ces jeunes fois me paraissent fâcheux !
Je
me suis dérobée au bal pour l’amour d’eux.
Lisette.- Chacun d’eux près de vous veut se
rendre agréable.
Léonor.- Et moi je n’ai rien vu de plus insupportable ;
Et
je préfèrerais le plus sage entretien
A
tous les contes bleus de ces diseurs de rien.
Ils
croient que tout cède à leur perruque blonde,
Et
pensent avoir dit le meilleur mot du monde,
Lorsqu’ils
viennent d’un ton de mauvais goguenard,
Vous
railler sottement sur l’amour d’un vieillard ;
Et
moi, d’un tel vieillard, je prise plus le zèle
Que
tous les beaux transports d’une jeune cervelle.
Dès la première, le succès de
« L’Ecole des maris » est assuré : trente-deux représentations
consécutives vont rapporter dix-sept mille neuf cent quatre-vingt-onze livres
aux comédiens. Molière encaisse deux parts depuis la réouverture d’après
carême. Il l’a demandé à titre de droits d’auteur et aussi, a-t-il dit, pour sa
femme au cas où il viendrait à se marier.
Malgré les soucis, les
discussions, l’emménagement rue Saint-Thomas-du-Louvre, il a terminé « Les
Fâcheux ». Dans son avertissement au lecteur, il prétendra avoir écrit et
monté ce divertissement en deux semaines : Jamais entreprise au théâtre ne fut si précipitée que celle-ci, et
c’est une chose, je crois, toute nouvelle, qu’une comédie ait été conçue,
faire, apprise et représentée en quinze jours. Un rôle a été amoureusement
mis au point pour Armande, celui d’Orphise, capital à ses yeux, car la première
a lieu devant Louis XIV, le 17 août 1661, au cours des fêtes que donne le
fastueux Fouquet à Vaux-le-Vicomte.
Le roi, la reine mère, Monsieur,
Madame et une noble assemblée applaudissent à la fois Madeleine, sortie d’un
rocher artificiel pour réciter le prologue et Armande, dans son premier grand
rôle. Les jugements des contemporains sont formels, Armande n’est pas d’une
grande beauté. Si elle a, selon Grimarest, « tous les agréments qui
peuvent engager un homme, et tout l’esprit nécessaire pour le fixer »,
elle n’a guère de qualités physiques, d’après le souvenir de Mlle du Croisy,
qui joua Agnès avec Molière : Armande
Béjart avait la taille médiocre, mais un air engageant, quoique avec de très
petits yeux, une bouche fort grande et fort plate, mais faisant tout avec
grâce, jusqu’aux plus petites choses, quoiqu’elle se mît très
extraordinairement et d’une manière presque toujours opposée à la mode du
temps. Mme de Sévigné la trouve franchement laide ; qu’importe à
Molière, il est amoureux ! Dans la demeure familiale rue
Saint-Thomas-du-Louvre, les échos des querelles s’apaisent enfin.
Madeleine a cédé, le mariage
d’Armande et de Jean-Baptiste aura lieu, c’est convenu, le 20 février 1662,
lundi gras, à Saint-Germain-l’Auxerrois, et le repas de noces, le soir, après
une représentation des « Fâcheux », chez M. de Guénégault, quai
Malaquais.
Le 23 janvier, tous les Béjart se
rendent chez le notaire, Me Acloque, pour signer le contrat. La
fiancée est mineure, c’est donc sa prétendue mère, Marie Hervé, la veuve du bon
Joseph Béjart « qui vient stipuler pour Armande-Grésinde-Claire-Elisabeth
Béjart » les témoins sont, pour Molière, son père, Jean Pocquelin,
tapissier et valet de chambre du roi, et son beau-frère, André Boudet, marchand,
bourgeois de Paris. Du côté d’Armande, « sa soeur »( !)
Madeleine et son frère Louis.
Madeleine Béjart est donc
officiellement, sur papier notarié, la sœur d’Armande ; Molière est le
gendre de la veuve Béjart ; quant à l’âge de la future épousée, la mère,
ne s’en souvenant pas, fait porter sur le contrat : « âgée de
vingt ans environ ». La femme du père Béjart, mère d’une douzaine
d’enfants, aurait mis Armande au monde à l’âge de cinquante-trois ans ! La
dot de la jeune fille s’élève à dix mille livres et son douaire à quatre mille,
dot qui sera remise à Molière le 24 juin suivant par la veuve Béjart. Or
celle-ci n’avait plus d’argent à la mort de son mari ; on suppose que la
dot a été offerte par Molière, soucieux du bonheur de Mlle Molière, son épouse.
Les femmes mariées qui ne sont point femmes de qualité ne s’appellent pas
madame, mais mademoiselle.
Trop occupée par les caprices de
sa jeune femme, Molière ne parvient pas à écrire de pièce nouvelle avant un an.
La première de « L’Ecole des femmes » n’est donnée qu’en décembre
1662. La comédie plaira, et ses trente et une représentations produiront un
total, assez coquet, de vingt-neuf mille sept cent soixante et onze livres,
malgré ou à cause des violentes attaques suscitées par le sujet. Armande ne
joue pas dans ces cinq actes, mais elle y est constamment présente. Il est
facile d’établir un parallèle entre l’auteur, jeune marié, et le personnage
d’Arnolphe, futur marié. A quarante-deux ans, l’âge de Molière, à peu de chose
près, Arnolphe a décidé d’épouser une jeune fille, lui aussi. Chrysalde, son
meilleur ami, le met en garde au début de la pièce contre les dangers d’une
telle union :
Chrysalde : Voulez-vous qu’en ami je vous ouvre mon
cœur ?
Votre
dessein, pour vous, me fait trembler de peur ;
Et,
de quelque façon que vous tourniez l’affaire,
Prendre
femme est à vous un coup bien téméraire.
Arnolphe : Il est vrai, mon ami. Peut-être que chez
vous
Vous
trouverez des sujets de craindre pour chez nous ;
Et
notre front, je crois, veut que du mariage
Les
cornes soient partout l’infaillible apanage.
Chrysalde : Ce sont coups du hasard, dont on n’est point
garant...
Molière n’a-t-il pas composé dans
cette pièce un petit manuel de la jeune mariée à l’usage d’Armande dont il est
jaloux ? On pourrait le croire en écoutant les conseils qu’il donne à
Agnès en jouant Arnolphe. Très à l’aise dans ce rôle, il a poussé le
raffinement jusqu’à attribuer le rôle d’Agnès à Catherine de Brie, ingénue
parfaite. C’est une jolie blonde, qui a été sa maîtresse, au nez et à la barbe
du mari, qu’il ose dire en scène :
Le
mariage, Agnès, n’est pas un badinage ;
A
d’austères devoirs le rang de femme engage ;
Et
vous n’y montez pas, à ce que je prétends,
Pour
être libertine et prendre du bon temps.
Il s’adresse à Catherine mais
c’est à Armande qu’il pense. Il est inquiet, tourmenté, jaloux. Dans la
coulisse, Mlle Molière s’amuse et Madeleine ricane...
Les premiers mois de mariage sont
cependant, sans histoire. Molière consacré poète officiel, reçoit
« pansion du Roy en qualité de bel esprit », et il est couché sur
l’état pour la somme de mille livres, deux cents de plus que Racine et deux
mille de moins que Chapelain, considéré par Louis XIV comme « le plus
grand poète françois qui ait jamais esté » !
Pour répondre aux critiques de
« L’Ecole des femmes », jouée de juin à août 1663 en même temps que
« L’Ecole », et qui fait déplacer tout Paris, même le roi qui vient
au Palais-Royal donner un appui moral à son protégé. Armande tient un rôle
entre Mlles du Par cet de Brie. Elle en tiendra un autre plus naturel dans
« L’Impromptu de Versailles », où chaque comédien joue sous son nom.
Le roi a demandé d’urgence un
divertissement, il faut bien le lui donner. Molière, pressé par le temps, met
en scène un aspect des coulisses. On le voit protester contre sa troupe et se
disputer avec son épouse, exactement comme ils le font à la ville :
-
Voulez-vous que je vous dise ? vous devriez
faire une comédie où vous auriez joué tout seul.
-
Taisez-vous ma femme, vous êtes une bête.
-
-Grand merci, Monsieur mon mari ! Voilà ce
que c’est ! Le mariage change bien les gens, et vous ne m’auriez pas dit
cela il y a dix-huit mois !
-
Taisez-vous, je vous prie !
-
C’est une chose étrange qu’une petite cérémonie
soit capable de nous ôter toutes nos belles qualités et qu’un mari et un galant
regardent la ^même personne avec des yeux si différents
-
Que de discours !
-
Ma foi, si je faisais une comédie, je la ferais
sur ce sujet. Je justifierais les femmes de bien des choses dont on les accuse
et je ferais craindre aux maris la différence qu’il y a de leurs manières
brusques aux civilités des galants...
-
Ahy ! laissons cela. Il n’est pas question
de causer...
Ces reproches publics, reflets
d’une vie conjugale tourmentée, font rire la cour et la ville. Molière, le
protégé du roi, l’auteur à succès, a avoué qu’il est trop occupé pour être
aimable et prévenant avec sa jeune femme. Voilà qui est bien, ses rivaux de
l’Hôtel de Bourgogne en font des gorges chaudes. Boursault fait représenter le
« Portrait du peintre », où Molière peut s’entendre traiter de cocu.
Trois mois plus tard, Armande met au monde un garçon dont le roi accepte d’être
le parrain, c’est la réponse aux
calomniateurs qui font courir le bruit que Molière a épousé sa propre
fille !
Sa réplique personnelle, le mari
offensé, la donnera à Versailles, en mai 1664, au cours des somptueux
divertissements des « Plaisirs de l’Ile enchantée », que Louis XIV
offre à Mlle de La Vallière, en feignant d’honorer la reine.
Armande est en vedette dans le
rôle de la princesse d’Elide et dans celui d’Elmire de « Tartuffe ».
Les trois premiers actes de la pièce la plus scandaleuse du siècle ont été en
effet représentés devant la cour, et ce n’est que cinq années plus tard que la
représentation intégrale en public sera autorisée.
Les pamphlétaires et les jaloux
attribuent quelques amants à Mlle Molière qui, en réalité, se contente de
s’ennuyer. Sa vie conjugale lui paraît infiniment monotone ; Molière,
accablé de besogne et de soucis, n’est jamais réconforté par une bonne parole,
par un baiser tendre. Toute sa peine, tout son chagrin, il les offre au public
en écrivant le dialogue, presque vécu, de Célimène et d’Alceste. « Le
Misanthrope » marque l’apothéose de Mlle Molière et la désillusion de son
mari ; nous ne sommes plus à la comédie, nous sommes chez Molière :
Alceste – Je ne querelle point. Mais votre humeur,
Madame,
Ouvre au premier venu
trop d’accès dans votre âme ;
Vous avez trop d’amants
qu’on voit vous obséder,
Et mon cœur, de cela, ne
peut s’accommoder.
Célimène - Des amants que je fais me rendez-vous
coupable ?
Puis-je empêcher les
gens de me trouver aimable ?
Et lorsque, pour me
voir, ils font de doux efforts,
Dois-je prendre un bâton
pour les mettre dehors ?
Le mari,
encore amoureux, reconnaît ses propres faiblesses :
Alceste.- Ah ! Traitresse ! mon faible
est étrange pour vous
Vous me trompez, sans
doute, avec des mots si doux,
Mais il n’importe, il
faut suivre sa destinée ;
A votre foi mon âme est
tout abandonnée.
Molière, le
mal-aimé, a-t-il fait réellement à un ami cette confidence que rapporte
Grimarest : Malgré toutes les
précautions dont un homme est capable, je n’ai pas laissé, voyez-vous, de
tomber dans le désordre où toux ceux qui se marient sans réflexion sont
accoutumés de tomber... Oui, mon cher, je suis le plus malheureux des hommes !
Les habitués du théâtre du
Palais-Royal applaudissent Alceste sans se douter du drame intime dont ils ne
voient qu’un plaisant reflet. Pendant plusieurs mois, Armande et Molière vivent
sans échanger une parole, comme des étrangers, Molière va suivre son régime
lacté dans la solitude de sa maison d’Auteuil ; les époux ne se
rencontrent plus qu’au théâtre.
Il faudra à Madeleine Béjart
beaucoup d’intelligence, de patience et une certaine forme de courage pour les
réconcilier, ou du moins, les faire vivre ensemble avec plus d’harmonie. Catherine,
éternelle ingénue, poursuit discrètement son rôle de consolatrice. Molière,
malade, déçu et épuisé de travail, trouvera toujours chez elle quelque
réconfort. Et cependant, rien ne pourra détourner cet homme de génie, ce
psychologue pénétrant, du malheureux amour qu’il éprouve pour la froide, l’impitoyable
Armande.
Il ne travaille qu’à lui donner
les meilleurs rôles, qu’à la mettre en évidence ; elle fait partie de
toutes les distributions, à Saint-Germain, aux Tuileries, comme sur la scène de
son propre théâtre. Sa renommée grandit,
tandis que Madeleine, vieillie et fanée, doit se contenter des rôles de second
plan. Armande crée Elise dans « l’Avare », Elmire dans « Tartuffe »,
Julie dans « le Bourgeois gentilhomme », elle sera même Bérénice dans
la tragi-comédie que Corneille a composée pour Henriette d’Angleterre :
Mademoiselle
Molière
Du
mieux soutient le caractère
De
cette reine dont le cœur
Témoigne
un amour plein d’honneur.
Elle sera enfin Psyché dans le
plus merveilleux divertissement du temps. Toute la cour verra Mlle Molière, en
robes d’or et d’argent, enlevée par l’Amour sur un nuage mécanique. Malgré
Les crises d’une maladie à laquelle il n’a
plus la force de résister, Molière a réussi à monter pour Louis XIV ce
spectacle d’inauguration de la salle des machines, construite entre le jardin
des Tuileries et les écuries royales. Toujours amoureux, Jean-Baptiste pardonne
tout à son épouse et, lorsqu’ils se réconcilient, afin de rendre plus agréable
son retour au foyer conjugal, il décide de quitter l’usage du lait et se met à
la viande. Ce changement de régime devant redoubler sa tout et peut-être hâter
sa fin.
Le 17 février 1672, Molière et
toute sa troupe sont à Saint-Germain pour « « Le Ballet du Roi »,
où l’on joue « La Comtesse d’Escarbagnas ». Ils ont laissé
Madeleine, malade depuis six semaines, « gisante au lit ». Ils la
retrouve morte. Elle emporte dans la tombe le secret de la naissance d’Armande,
mais dans le testament qu’elle a dicté le 9 janvier, avec codicille du 14
février, elle institue Mlle Molière sa légataire universelle. Madeleine Béjart rachète
ses fautes en fondant à perpétuité dans l’église Saint-Paul, ou dans un
monastère à choisir, deux messes basses de requiem par semaine. Elle a stipulé,
en outre, « le prélèvement sur ses biens d’un revenu en rentes ou en
terres, pour être payé chaque jour, à perpétuité, à cinq pauvres, cinq sols en
l’honneur des cinq plaies de Notre-Seigneur ». Le clergé de Saint-Paul ne
fait pas de façons pour enterrer cette comédienne repentie. En argenterie et en
bijoux, elle laisse environ quatre mille livres, et en deniers comptants,
dix-sept mille huit cent neuf.
Molière, privé de toute joie,
tente un nouvel essai. Pour plaire à sa chère et détestable Armande, il loue en
juillet l’appartement qu’elle considère digne d’elle et de la situation de son
mari. C’est une belle maison située rue de Richelieu, bâtie par un tailleur,
René Baudellet, qui exige un loyer annuel de treize cents livres, plus la
moitié de la taxe des boues, des lanternes, des pauvres et des autres charges
de ville. Ce logement de luxe est ainsi décrit : trois petites caves ou deux grandes au choix des preneurs, une cuisine,
une écurie dans laquelle ledit bailleur pourra mettre un cheval quand il en
aura ; les premier et second étages, quatre entresols au-dessous la moitié
du grenier qui est au-dessus du troisième étage et une remise de carrosse,
communauté de la cour, puits et aisances.
La cour forme une terrasse d’où l’on
peut profiter de l’ombre des arbres du jardin Royal, et par un passage, il n’y
a que quelques marches à descendre pour parvenir au jardin et pour se rendre au
théâtre, sans devoir faire le tour par la rue Saint-Honoré.
L’installation des époux
réconciliés commence mal : le 11 octobre, le petit Pierre-Jean-Baptiste,
symbole des amours retrouvées, meurt à l’âge de vingt-sept jours. Le théâtre
des comédiens fait relâche une journée, mais le bébé est à peine inhumé à
Saint-Eustache que Molière doit jouer « L’Avare ». Les comédiens n’ont
pas le temps de pleurer. Molière doit terminer « Le Malade imaginaire »
Cette dernière œuvre d’un homme qui se sait perdu, qui gémit de sa faiblesse, est empreinte,
malgré sa gaieté apparente, d’une profonde tristesse. Ce malade, entouré de
drogues, épié par les médecins qui rôdent dans sa chambre, tandis que sa femme,
sournoise et intéressée, compte déjà les deniers de l’héritage, n’est-ce pas
Molière lui-même ?
Le 17 février 1673, un an, jour pour jour, après la mort de Madeleine, la compagne fidèle
des mauvais moments, Molière est pris de convulsions pendant la quatrième
représentation du « Malade imaginaire ». Il meurt au cours de la nuit
dans le somptueux appartement qu’il avait fait décorer pour satisfaire, une
fois encore, le caprice d’Armande, la plus ingrate des femmes qu’il a aimées.
Le curé de Saint-Eustache
refusera au plus grand comédien de tous les temps la sépulture en terre bénite,
on l’enterrera de nuit au cimetière Saint-Joseph, annexe de Saint-Eustache.
Trois ans plus tard, comme l’hiver
était rigoureux, Armande, en souvenir de son mari, fit transporter des bûches
au cimetière pour que de grands feux, allumés sur sa tombe, puissent réchauffer
les pauvres du quartier.
BONJOUR.
RépondreSupprimerTémoigne d'Offre de prêt sans aucun frais à l'avant
Je me présente moi c'est Natalie Lebrun, je suis mère de famille avec trois enfants. Depuis 2ans que je suis au chômage, je me suis lancé dans la recherche d'un prêt d'argent entre particulier pour créer une petite société et prendre soins de ma famille mais à chaque fois je tombe sur des escrocs de l'Afrique ou de l'Europe. J'ai perdus près de 2.000 € dans la recherche d'un prêt entre particulier sur internet. Il y a trop d'escroquerie dans les offres de prêt entre particulier. Tout récemment je me suis inscris sur des forums d'aides entre particulier où j'ai connu un formidable Monsieur au nom de Leveque Bernard qui m'a proposé son offre de prêt. Je vous avoue au départ j'étais sceptiques et arrogant avec lui. Je n’y croyais pas à son offre de prêt mais vue la situation cruciale de manque de moyen financier et le paiement des impôts et taxes qui m'attendent j'ai tenter de suivre ses instructions et remplir les conditions de son offre de prêt, dans les 72 heures qui ont suivis, il m'a fais le transfert d'un crédit de 60.000 € sur mon compte. il m'a accordé un délais de 15 ans et un taux de 2% par an pour faire le remboursement de ce prêt d'argent. Ce crédit m'a permis de régler beaucoup de problèmes financier et aussi j'ai puis ouvrir un petit commerce pour prendre soins de ma famille. J'ai retrouvé la joie grâce à Mr Leveque Bernard. son mail est : pretentreparticulier123@hotmail.com.
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Voici encore son e-mail: pretentreparticulier123@hotmail.com
Bonne Continuation. Et n'oubliez pas de partager pour aider vos proches qui sont dans le besoin
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RépondreSupprimerVéritable témoignage d´un sérieux prêt acquis
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Son email: pfinanceschneider@gmail.com
Contacté-le si vous êtes dans le besoin.
Sérieux Témoignage d'un prêt acquis (creditschneider@gmail.com)
RépondreSupprimerBonjour,
Sérieux Témoignage d'un prêt acquis
Vous êtes dans l'impossibilité de contracté un crédit pour rembourser un prêt bancaire malgré un emploi stable, une personne sérieuse, inscrite au FICP ou qui a perdu son emploi
Lorsque les banques ou les proches ne peuvent vous suivre, il est bon de savoir qu'il existe une entraide quelque part. Pour toute demande de prêt entre particulier, envoyez un mail directement à ce Mr intègre du nom de SCHNEIDER qui m'a satisfait en 72 heures. Grâce à lui, aujourd'hui, j'arrive à joindre les deux bouts et je lui serai reconnaissante toute ma vie.
Au départ, je n'y croyais pas, mais ma curiosité m'a poussé à essayer, mais finalement, j'ai pu obtenir ce prêt de 65.000 €
Contacter le si vous êtes dans le besoin pour vos demandes sérieuses et rapide.
Voici son e-mail : creditschneider@gmail.com
« La garantie de votre prêt à 100% après acceptation de votre Dossier » « Vous êtes SATISFAIT ou REMBOURSÉ avec lui »
Cordialement