vendredi 18 octobre 2013

Le Griffon

Adapté du conte de Grimm. Intitulé par les folkloristes  Les Trois Poils du Diable, ce conte s’est répandu dans toute l’Europe, jusqu’en Chine. Il fait apparaître deux thèmes : les fruits qui guérissent et les questions.

Il était une fois un roi. Il était veuf et n’avait qu’une fille, qui était toujours malade. Aucun médecin ne pouvait la guérir, mais un jour, une vieille femme déclara au roi que sa fille recouvrerait la santé si elle mangeait des pommes. Alors Sa Majesté fit savoir dans son royaume que celui qui apporterait à la princesse une pomme qui la guérirait, la recevrait en mariage. Parmi tous ceux qui entendirent cette nouvelle se trouvait un paysan qui avait trois fils. Il s’adressa à l’un d’eux :
-Jacques, va cueillir dans notre verger un panier de pommes bien rouges, et portez-les au château. Peut-être guériront-elles la fille du roi, qui sait ? Tu l’épouserais alors, et tu deviendrais roi.
Le jeune homme fit ce qu’on lui demandait, et se mit en toute. Au bout d’un moment, il rencontra un petit homme, dont le chapeau était orné d’une plume bleue. L’étranger demanda à Jacques ce qu’il portait dans  son panier. Et le garçon de lui répondre :
-Des cuisses de grenouilles.
Le petit homme dit alors :
-Eh bien, qu’elles le soient et qu’elles le restent !
Et il disparut.
Jacques parvint au château et se fit annoncer. Il déclara avoir des pommes bien croquantes susceptibles de guérir la princesse. Le roi se réjouit et le fit entrer, mais lorsque le jeune homme ouvrit son panier, il était plein de cuisses de grenouilles. Le roi se fâcha et renvoya le jeune homme qui retourna chez lui.
Son père envoya alors Benoît son second fils. Benoît alla cueillir des pommes, et prit la direction du château. Dans le bois, il rencontra le même petit homme au chapeau orné d’une plume bleue, qui lui demanda ce qu’il transportait. Benoît lui dit :
-Des escargots.
Et le petit homme lui répliqua :
-Eh bien, qu’ils le soient et qu’ils le restent..
Quand Benoît arriva au château et qu’il annonça que ses pommes pouvaient guérir la princesse, on  ne le crut pas. Un garde lui expliqua
-Quelqu’un est déjà venu, en nous annonçant la même chose. Et il disait n’importe quoi. Alors maintenant, nous nous tenons sur nos gardes, pour ne pas faire de fausses joies au roi.
Mais Benoît insista. Son panier était rempli de pommes, et il fallait le laisser entrer. Mais quand il ouvrit son panier, quelle ne fut pas sa stupeur de découvrir qu’il grouillait d’escargots ! Le roi se mit en colère et fit chasser Benoît à coups de bâton. Il rentra chez lui et raconta à son père ce qui lui était arrivé.
Le plus jeune fils du paysan, qui s’appelait Jean, mais que tous surnommaient Jeannot le sot, demanda à son père l’autorisation d’aller porter des pommes à la princesse. Son père se moqua de lui :
-Tes frères n’ont pas réussi, et toi, le grand malin qui sait tout, tu penses pouvoir y arriver. Tu rêves, mon pauvre ami, tu rêves !
Mais Jeannot insista tant que le vieux paysan finit par lui dire :
-Si tu y tiens tant, vas-y !
Jeannot sauta de joie et décida de partir dès le lendemain. A l’aube, il se leva, cueillit ses pommes et prit le chemin du château. Comme ses frères, il rencontra le petit homme dont le chapeau s’ornait d’une plume bleue. Celui-ci lui demanda ce qu’il transportait. Jeannot lui répondit que c’étaient des pommes qui devaient permettre à la fille du roi de recouvrer la santé.
-Eh bien, dit le curieux petit homme, qu’elles le soient et le demeurent ! Au château, on ne voulut pas le laisser entrer. On lui dit que deux autres jeunes gens étaient venu porter des pommes, que c’était une plaisanterie et que le roi était très en colère. Jeannot déclara solennellement qu’il apportait bien des pommes.
-Je les ai cueillies ce matin dans notre verger. Je suis sûr qu’elles guériront la princesse.
Comme il paraissait sincère, le garde finit par le laisser entrer. Et il eut raison. Car quand Jeannot ouvrit son panier devant le roi, il était rempli de belles pommes bien joufflues. Le roi  retrouva le sourire et s’empressa de les porter à sa fille. Jeannot attendit avec impatience le retour du roi. Mais c fut la princesse en personne qui vient remercier Jeannot. En effet, à peine avait-elle croqué dans l’un des fruits qu’elle avait sauté sur ses pieds, guérie.
Fin de la première partie.

Résumé : il était une foi un roi qui n’avait qu’une fille, toujours malade. Il promit à celui qui pourrait la guérir de la lui donner en mariage. Jeannot le fils d’un paysan, vient de réussir cet exploit.

Deuxième partie :
Cependant, le roi ne voulait pas donner tout de suite sa fille en mariage à Jeannot. Il lui demanda de construire une nacelle qui naviguerait aussi bien sur terre que sur l’eau. Jeannot promit  de revenir quand ce serait fait. Il rentra chez lui et raconta toute son histoire. Son père envoya Jacques dans la forêt pour qu’il y construise  la nacelle. Tout en sifflotant, Jacques sciait des planches, rabotait, clouait. Vers midi, le petit homme au chapeau à plume arriva  et lui demanda ce qu’il fabriquait :
-Des couverts en bois ! lui répondit Jacques.
-Très bien, qu’il en soit ainsi et que cela le reste.
Le soir, lorsque Jacques voulut montrer sa nacelle à son père, elle éclata et des couverts en bois se répandirent partout.
Benoît tenta sa chance le lendemain. Mais il lui arriva la même mésaventure qu’à son frère.
Le troisième jour, Jeannot prit ses outils et se rendit dans la forêt. Il travaillait avec beaucoup de zèle. Quand midi arriva, le curieux petit homme apparut et lui demanda ce qu’il faisait :

-Une nacelle qui aille encore mieux sur terre que sur l’eau, lui répondit-il joyeusement.
Et il lui expliqua que lorsqu’il l’aurait construite, il épouserait la fille du roi.
-Eh bien, dit l’homme à la plume bleue, qu’il en soit ainsi et que ceci le reste.
Le soir, quand le soleil se coucha, Jeannot avait construit sa nacelle. Il y prit place et se dirigea vers le château. La nacelle filait comme un oiseau. Le roi admira beaucoup son travail, mais il ne voulut pas encore lui donner sa fille. Il exigea auparavant que Jeannot lui apporte une plume de la queue du Griffon.
Jeannot se mit aussitôt en route. 
A la tombée de la nuit il arriva devant une auberge où il s’arrêta pour dormir. L’aubergiste lui demanda où il allait et Jeannot répondit :
-Chez le Griffon.
-Chez le Griffon ? répéta l’aubergiste. On dit qu’il sait tout... Pourrais-tu lui demander où se trouve la clef de mon coffre-fort ? Je ne la trouve plus...
-Mais bien sûr, répondit Jeannot, je n’y manquerai pas.
Le lendemain, il reprit sa route, et après une longue journée de marche, il arriva à une autre auberge où il passa la nuit. Quand on apprit qu’il se rendait chez le Griffon, on lui dit que la fille de la maison était très malade et qu’on n’arrivait pas à la guérir. Accepterait-il de demander au Griffon ce qui rendrait la santé à la  jeune fille ? Jeannot le leur promit et il poursuivit sa route. Il arriva au bord d’une rivière très large. Il n’y avait aucun pont et c’était un homme très grand qui portait sur ses épaules ceux qui voulaient traverser.
Ce passeur lui demanda où il allait.
-Chez le Griffon, répondit Jeannot.
-Eh bien, demandez-lui, quand vous le rencontrerez, pourquoi je passe ma vie à transporter les gens d’une rive à l’autre. J’aimerais bien le savoir.
-D’accord, lui dit Jeannot, je lui poserai la question.
L’homme le prit alors sur ses épaules et le mena sur la rive opposée. Enfin, Jeannot arriva à la maison du Griffon. Seule sa femme se trouvait à l’intérieur. Elle demanda à Jeannot ce qu’il voulait, et le jeune homme lui raconta tout : qu’il devait ramener une plume de la queue du griffon ; qu’il devait lui demander où se trouvait la clef du coffre-fort de l’auberge ; qu’il  voulait savoir ce qui rendrait la santé à la jeune fille malade et pourquoi le passeur devait porter des gens de l’autre côté de la rivière. La femme s’effraya :
-Mais, mon pauvre petit, aucun humain ne peut parler avec le Griffon ! Il les décore tous. Toutefois, si vous voulez, vous pouvez vous cacher sous son lui et lui arracher une plume lorsqu’il dormira. Pour le reste, il vaut mieux que je le lui demande moi-même.
Jeannot trouva cela très raisonnable et il s’allongea sous le lit. Le soir venu, le Griffon rentra chez lui0 dès qu’il eut fait un pas dans la chambre, il s’exclama :
-Femme, cela sent l’humain !
-Oui, répondit-elle, il en est venu un aujourd’hui, mais il est reparti.
Le Griffon se mit au lit. Lorsque Jeannot l’entendit ronfler, il tendit sa main vers lui et lui arracha une plume de sa queue. L’oiseau  se réveilla en sursaut et dit :
-Femme, cela sent l’humain et il me semble qu’il y en a un qui a plumé ma queue.
Sa femme lui répondit :
-Tu l’as certainement rêvé. Je t’ai dit qu’il en était venu un aujourd’hui, mais qu’il était reparti. Il m’a raconté beaucoup de choses, il parait qu’à l’auberge on a perdu la clé du coffre et qu’on n’arrive pas à la retrouver.
-Qu’ils sont bêtes ! répliqua le Griffon. La clé se trouve dans la grange, derrière la porte, sous une pile de bois mort.
-Il m’a dit aussi qu’il y avait une fille bien malade dans une seconde auberge et que personne n’arrivait à la guérir.
-Qu’ils sont bêtes ! Sous l’escalier de la cave, un crapaud a fait son nid avec les cheveux de la jeune fille. Si elle les lui reprend, elle recouvrera la santé.
-Ensuite, repris la femme du Griffon, infatigable, il m’a parlé d’un homme au bord de l’eau qui doit porter les gens sur l’autre rive.
-Qu’il est bête ! S’il en laissait tomber un seul dans la rivière, il n’aurait plus à en porter aucun !

Le lendemain matin, le Griffon se leva et sortit. Jeannot quitta sa cachette. Il tenait la jolie plume et il avait entendu toutes les réponses du Griffon. Il remercia sa femme de l’avoir si bien aidé et il prit le chemin du retour.
Il retrouva d’abord le passeur. Celui-ci lui demanda qu’elle avait été la réponse du Griffon. Jeannot lui dit de le transporter et qu’il le lui dirait une fois de l’autre côté. L’homme le fit traverser et Jeannot lui répéta ce qu’avait dit le Griffon. Le passeur le remercia.
Puis Jeannot arriva à l’auberge où se trouvait la jeune fille malade. Il la porta – car elle ne pouvait guère marcher, au bas de l’escalier de la cave et il retira le nid de crapaud. Il le posa dans la main de la jeune fille qui se leva aussitôt et remonta l’escalier en courant. Ses parents furent si heureux qu’ils offrirent à Jeannot un coffret plein de pièces d’argent.
Quand le garçon atteignit la première auberge, il se rendit directement à la grange où il retrouva la clé perdue. Il l’apporta à l’aubergiste qui lui donna en récompense quelques pièces d’or, ainsi qu’une vache, un mouton et un troupeau d’oies.
Lorsque Jeannot arriva chez le roi avec de l’argent, de l’or, la vache, le mouton et les oies, ce dernier lui demanda d’où il tenait tout cela.
-C’est le Griffon qui me l’a donné. Il vous donne tout ce que vous désirez, il suffit de le lui demander.
Le roi se dit qu’il aimerait bien en profiter lui aussi et il se mit en route pour aller chez l’oiseau.
Quand il arriva au bord de l’eau, personne ne s’y était encore présenté depuis le passage de Jeannot. Alors le passeur le laissa tomber au beau milieu et il s’en alla.

Le roi, qui ne tenait pas ses promesses, se noya. Quant à Jeannot, il épousa la princesse et il devint roi.

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