vendredi 18 octobre 2013

L'Or du Seigneur Bazashi

Voilà bien longtemps vivaient deux seigneurs, dans une province reculée du Japon le premier s’appelait Awazu, mais tous, à voix basse, le nommaient le « Cruel » l’autre, le Seigneur Bazashi, portant le surnom de « Rat », tant il était avare Awazu et Bazashi ne pouvaient se souffrir
Le jour où le Seigneur Awazu fut tué dans une embuscade, la rumeur publique, bien entendu, accusa aussitôt Bazashi
-Maître, gémit l’intendant de ce dernier, ô maître ! la veuve du seigneur Awazu a envoyé des émissaire en tous lieux, le clan Awazu va réunir ses guerriers ; votre vie est en danger, prenez garde, fuyez, cachez-vous…
Le « Rat » réfléchit, la bouche crispée en une vilaine grimace. L’intendant avait raison et le daimyo de la province ne ferait rien pour le soutenir, à moins de lui verser une fortune ; mais il n’était pas question de fuir ! Tokiwa, sa fille, pourrait en profiter pour faire des dépenses inutiles et ses serviteurs pour le voler ; un bon maître ne doit jamais s’écarter de ses biens, de sa maison…
Sa résolution fut bientôt prise. Il dit à l’intendant :
-Va trouver de ma part Tanaka le ronin ; dis-lui que je l’engage pour me protéger, qu’il vienne ici avec ses hommes.
-Seigneur, répliqua l’intendant en se courbant bien bas, votre décision est sage car Tanaka est réputé de valeur. Seulement… j’ai bien peur qu’il ne se fasse payer très cher.
Bazashi tressaillit, c’était comme si on lui arrachait le cœur ! Que faire ? Il songea au clan de ses ennemis, au danger mortel suspendu désormais au-dessus de sa tête…
-Va, tout de même, décida-t-il. Essaie de ne pas lui parler d’argent, ou bien dis-lui que nous réglerons le problème, une fois  notre affaire terminée.
-Très bien, seigneur.
Et l’intendant s’en fut aussitôt à la ville voisine.
Comme prévu, il trouva Tanaka le ronin dans la plus riche des auberges, vêtu d’un kimono de soie, entouré de geisha(1) jouant pour lui du luth, préparant du thé, ou disposant dans des vases des bouquets de fleurs séchées.
Tanaka l’écouta, un fin sourire jouant sur ses lèvres.
-J’accepte l’offre de ton maître, dit-il, et en vérité je l’attendais : la province entière ne parle que de la mort d’Awazu… je me rendrai aujourd’hui même en la demeure de Bazashi, aussitôt que j’aurai rassemblé deux ou trois de mes hommes.
-Seulement deux ou trois, seigneur ?
-Ne t’inquiète pas, ils suffiront.
Un geste congédia l’intendant, qui s’en fut, tout heureux que le ronin ne lui ait pas même pas parlé d’argent.
Ne pas en parler n’empêchait pas Tanaka d’y penser. A vrai dire, il ne pensait même qu’à cela.
« La proposition du vieux Rat tombe à pic, songeait-il, mon or s’épuise. J’ai là enfin l’occasion de ramasser une belle somme ! »
Les yeux décidés du ronin brillaient joyeusement. « Mais, d’abord, réunir des hommes. Voyons… Makusi en premier, c’est évident et je sais où le joindre… » Déjà Tanaka avait ôté son kimono, revêtu ses habits et surtout fixa sur son ventre et à son côté gauche les deux sabres rituels recourbés, le long katana et le Wakizaski, plus court… Il quitta aussitôt l’auberge.
Makusi dormait au bord de la rivière. Tanaka attendit son réveil de loin, sans se montrer. Enfin, Makusi remua, se leva en bâillant. Il ramassa sa lance droite nommée yeri, haute d’environ deux mètres, et se dirigea vers l’eau d’une démarche peu assurée.
De l’autre côté de la rivière, un groupe de paysannes passait, fagots sur l’épaule. Les jeunes femmes rirent en voyant Makusi et se moquèrent de son attitude gauche. L’homme ne leur répondit qu’en haussant les épaules.

1 Hôtesses d’accueil dans les maisons de thé japonaises

« Que lui arrive-t-il ? se demandait Tanaka avec une certaine inquiétude. Il me semble avoir perdu sa vivacité et il porte son arme comme un enfant de cinq ans à qui l’on vient d’offrir son premier sabre en bois… »
Les paysannes disparurent. Au bord de l’eau, Makusi se pencha, trempa la main et recula aussitôt, semblant trouver l’eau trop froide pour y plonger son visage comme il devait avoir eu l’intention de le faire.
Tanaka, soupira, de plus en plus inquiet.
« Serait-il malade ou amoureux ? En ce cas, je ne peux compter sur lui pour me seconder… Il faut en avoir le cœur net. »
Le hasard servit le ronin. Trois hommes parurent bientôt, marchant sur le chemin. Des hommes vigoureux, sans doute quelques aventuriers, des anciens soldats peut-être, en quête d’ouvrage ou d’un mauvais coup.
Tanaka défit prestement ses sabres, qu’il cacha dans un fourré. Puis il s’élança en direction des hommes, se faisant une mine défaite et criant :
-A moi, à moi, à l’aide !
Etonnés, les trois hommes s’arrêtèrent à sa vue. Tanaka se jeta à leurs pieds.
-Je vous en prie, aidez-moi !
D’une voix émue, il leur expliqua que son maître, un marchand, lui avait confié une bourse d’or et qu’un voleur venait de la lui prendre :
-Mon maître va me battre, me tuer sans doute ! Sauvez-moi ! Le voleur n’est pas loin, je viens de l’apercevoir au bord de la rivière…
Les trois hommes se regardèrent, alléchés. Ils pensaient moins à récupérer la bourse pour Tanaka qu’à la garder pour eux-mêmes.
-Une bourse pleine d’or, dis-tu ?
-Et le voleur est seul, tout près ?
-Exactement. Là ! Vous pouvez le voir…
Au loin, Makusi semblait toujours rêver près de l’eau. Les hommes s’élancèrent. L’un tenait en main une longue faucille, le second un bambou acéré et le dernier une chaîne.
Tanaka le ronin n’eut que le temps de récupérer ses deux sabres avant d’assister à la rencontre… Celle-ci fut très brève.
Makusi ne se tourna pourtant qu’au dernier instant. Sa lance eut un mouvement foudroyant et deux des assaillants s’écroulèrent ensemble.  Déjà Makusi saisissait au vol la chaîne tournoyante qui le visait et l’arrachait des mains du troisième homme.
Ce dernier ne demanda pas son reste, fit un grand bond en arrière, affolé, et plongea dans la rivière.
-Ho ! cria Tanaka
Makusi se tourna et leva tranquillement sa lance pour le saluer.
-Comment vas-tu ?
Tanaka s’approcha ; les deux compagnons se donnèrent l’accolade.
-J’ai besoin de toi, dit le ronin, et je suis heureux de te voir en pleine forme.
-Tu fais allusion à ces malfaiteurs ? Bah ! ça ne vaut même pas la peine d’en parler. Ils m’ont dérangé tandis que je rêvais à un poème que je voulais écrire.
-à un poème ?
-Pourquoi pas ? J’en rêve depuis ma plus tendre enfance. Les grands samouraï écrivent tous des poèmes.
Tanaka ne répondit pas, soulagé de son inquiétude.
Mais l’autre tout à coup s’exclama :
-Je comprends tout ! C’est toi qui m’as envoyé ces hommes pour voir si j’étais toujours digne de te suivre. Bravo ! A mon tour, ami : donne-moi la preuve que tu sauras tenir ta place au combat…
Une flamme joyeuse dansa dans les yeux de Tanaka.
-Si tu veux, cria-t-il. Regarde !
Avec une stupéfiante rapidité, le sabre long jaillit du fourreau et sembla fendre l’air à deux reprises, avant de retrouver sa place.
Makusi se pencha à terre pour y admirer deux grands papillons qui venaient d’être coupés en deux en plein vol par la lame effilée du ronin.
-Nous pouvons lutter côte à côte, dit-il seulement.
Et les deux hommes reprirent le chemin de la ville.
-J’aurai aussi besoin de Kimagona, déclara Tanaka. Sais-tu où il se trouve ?
-Oui, pas loin d’ici.
-Allons-y.
Kimagona n’était pas un guerrier mais un paysan, un bûcheron plutôt, doué d’une force physique peu commune et qui ne quittait jamais sa hache, même pour dormir ; il la mettait sous sa tête, se couchait sur le côté et posait sa main droite sur le manche…
Les deux ronins trouvèrent Kimagona en train de défricher un petit bois près d’un village, entouré à respect d’une foule moqueuse… et admirative. C’est que le bûcheron possédait une technique particulière pour abattre les arbres. D’habitude, on entaille profondément un côté au bas du tronc et on achève la besogne en entaillant le côté opposé ; l’arbre s’abattait du côté de l’entaille profonde, sans danger pour le bûcheron.
Kimagona, lui, ne se souciait pas de tels détails. Il attaquait le tronc à la base et ne s’arrêtait qu’au craquement annonçant la chute. Alors, au moment où l’arbre s’abattait sur lui, il l’empoignait à bras-le-corps et le  poussait sur le côté.
« Pas besoin d’un stratagème pour voir qu’il n’a pas changé, songea Tanaka. Vraiment, de tels muscles sont un don précieux des kami. »
Le bûcheron ne se fit pas prier, lui non plus, pour accompagner les ronins
-C’est fastidieux de couper les arbres, déclara-t-il, j’aime mieux l’aventure.
-Je crois que tu vas être servi, répliqua Tanaka, fort satisfait de ces paroles. Maintenant, si Hitoni veux se joindre à nous, le seigneur Bazachi n’aura plus rien à craindre de ses ennemis !
Lorsqu’il ne participait pas à une expédition guerrière, Hitoni habitait en ville une petite maison isolée. Il était fort difficile de le surprendre, car le terrain entourant son habitation, recouvert d’une épaisse couche de graviers, crissait sous le pas le plus léger. Ce détail caractérisait bien l’homme, fin et rusé.
-Je vous attendais, dit-il, avec un grand sourire, lorsqu’il vit arriver Tanaka, Mazuki et Kimagona.
Eventail-en-fer-japonaisOn but l’alcool de riz en silence, Hitoni agitait sans cette devant son visage un inséparable éventail. L’éventail de fer était en effet sa seule arme, une arme raffinée, particulièrement redoutable. Fixé sur une poignée comportant également un crochet sur la garde, l’éventail, fermé, servait de poignard et de matraque ; il pouvait aussi être lancé. Ouvert, il servait à parer et à dévier les coups de sabre ou de lance, aidé en cela par le crochet de fer(1).
-Tu nous attendais ? fit Tanaka.
-Oui, la nouvelle de la mort du seigneur Awazu est parvenue jusqu’à mon humble retraite et j’ai pensé que tu serais assez bête pour accepter la demande de protection de cet avare de Bazashi, qui te paiera d’un bol de riz, et encore, si tu le réclames très fort !
-Justement, répliqua Tanaka : nous ne nous contenterons pas d’un bol de riz. Si vous êtes d’accord avec moi, nous aiderons Bazashi, mais nous en profiterons aussi pour le débarrasser de son or, car l’homme est riche.
-Tu as raison, approuva Makusi, c’est pitié de savoir l’or inutile alors que d’autres en ont tant besoin.
Kimagona le bûcheron eut un grognement d’approbation, mais Hitoni pointa son éventail vers Tanaka :
-Parce que tu crois que le vieux Rat va laisser son or à portée de ta main ?
-Une fois sur place, répondit le ronin, nous trouverons bien la cachette, si cachette il y a… Etes-vous d’accord pour me suivre, oui ou non ??
Ils furent d’accord tous les trois.

1 Une telle arme (qui fut surtout employée par les policiers japonais chargés d’arrêter, sans leur faire de mal, des personnages importants) réunit les techniques du tessen-jutsu (art de l’éventail) et du jotte-jutsu (art des armes à crochet)

Le soir même, comme prévu les quatre hommes se présentèrent chez le seigneur Bazashi. Ce dernier les accueillit avec soulagement, car il savait que le clan des Awazu était déjà réuni presque au complet et qu’une attaque risquait de se produire dès la prochaine nuit… Tanaka était connu comme un maître du sabre, Makusi ne lui déplut pas avec sa lance, et la taille du bûcheron Kimagona l’impressionna fort. En revanche, l’éventail d’Hitoni lui parut bien petit, et son possesseur bien fragile.
-Et vous, seigneur, demanda Tanaka, de combien de bushi(1) disposez-vous ?
A dire vrai, la demeure-forteresse de Bazashi n’était protégée que par quelques gardes peu valeureux, car mal payés ; les domestiques ne semblaient guère plus courageux au premier abord, même si l’intendant essayait à grands cris de les galvaniser. Tanaka fit la grimace… il entreprit cependant d’organiser la défense, faisant barricader les ouvertures, prévoyant les meilleures places pour les archers sur les toits et les terrasses, vérifiant leurs armes par la même occasion.
Il visita donc entièrement la maison et ses dépendances, suivi pas à pas par le seigneur Bazashi.
Et c’est ainsi qu’il aperçut, au seuil de ses appartements, une jeune fille aux longs cheveux noirs, qui répondit à peine à son profond et respectueux salut.
-C’est Tokiwa, mon enfant, dit Bazashi en entraînant rapidement le ronin.
Pendant ce temps, Kimagona hissait comme en se jouant de lourdes pierres sur les fenêtres, au-dessus des portes d’entrée, et Hitoni furetait partout, remuant sans arrêt son éventail de fer.
A la tombée de la nuit, un espion envoyé par l’intendant revint, apportant des nouvelles fraîches de l’ennemi : les guerriers du clan Awazu semblaient se préparer pour une expédition. Ils revêtaient leurs armures de combat, leurs casques cornus, et certains leurs masques protecteurs(2).
Le seigneur Bazashi ne semblait pas trop à l’aise. Tanaka s’empressa d’envoyer des guetteurs aux endroits stratégiques, et Makusi lui-même, pour plus de sécurité, s’installa sur une terrasse d’où l’on dominait une bonne partie des alentours.
-As-tu une idée del’endroit où le vieux Rat cache son magot ? demanda Hitoni à voix basse à Tanaka.
-Non, pas encore
Eh bien, moi, j’en ai une, car je l’ai bien observé depuis notre arrivée.
-Nous en reparlerons, ami.
-J’y compte bien.
Sur sa terrasse, Makusi n’attendit pas longtemps. La nuit se peupla bientôt d’ombres inquiétantes, des torches brillèrent dans l’obscurité, éclairant une forte troupe de bushi ennemis… Sans la demeure encerclée du seigneur Bazashi, ce fut le branle-bas de combat.
Dehors, face à la porte principale, une silhouette se détacha des autres, celle d’un homme aux larges épaules, bardé de cuir et de fer.
L’homme cria d’une voix forte :
-Je suis le frère du seigneur Awazu, noble samouraï assassiné lâchement dans une embuscade ! Et je te défie, Bazashi ! Sors de ta forteresse et viens te battre !
-Je n’ai pas tué ton frère ! cria Bazashi d’une voix aiguë. Rentrez chez vous !
-Tu n’es qu’un lâche ! répliqua le frère d’Awazu.
A l’intérieur de la demeure, Tanaka, Makusi, Kimagona et Hitoni ne pur s’empêcher d’approuver, en leur for intérieur.
C’est alors que parut Tokiwa, la jeune fille, les cheveux dénoués tombant en flot épais sur ses épaules, les yeux étincelants, tenant en main le kaiden, la longue dague des femmes
-Où vas-tu ? s’interposa son père, effaré par cette apparition
-Relever le défi ! dit-elle.
-Retourne dans tes appartements !
Tanaka s’avança, le cœur soudain brûlant d’une chaleur inconnue :
-Laissez-moi y aller à votre place… dit-il à la jeune fille. Je vous en prie.
Elle le regarda, parut hésiter… Puis son fin visage s’adoucit. Elle acquiesça de la tête.
-Allez, dit-elle, soyez mon héros.
-J’arrive ! hurla Tanaka au frère d’Awazu. Rien ni personne, n’aurait pu le retenir. Il s’élança. Les serviteurs lui ouvrirent en hâte la porte barricadée.
Le guerrier ennemi attendait sans impatience apparente, tassé sur lui-même, tel un fauve guettant sa proie ; ses compagnons ne bougeaient pas non plus. Seuls, quelques porteurs de torches approchèrent afin d’éclairer le combat. Quand il fut face à son adversaire, Tanaka fit un léger salut, annonça à son tour son nom, l’endroit de sa naissance ; il se proclama samouraï, énuméra ses titres de noblesse.
A peine avait-il achevé sa dernière phrase, que brusquement le frère d’Awazu bondit vers lui. En même temps, à la vitesse de l’éclair, il dégainait son sabre long et, le faisant tournoyer, l’abattait sur la tête de son adversaire.
Tanaka ne se laissa pas surprendre. Il tourna sur lui-même pour éviter l’attaque puis frappa à son tour. Un furieux coup de revers écrasa la cuirasse de l’ennemi déséquilibré…
Kimagona, le bûcheron, poussa un cri de triomphe en voyant le frère d’Awazu tomber à terre.
Les assaillants, eux, hurlèrent de rage et s’élancèrent tous à la fois. Hitoni rugit en agitant son éventail. Heureusement, les gardes de Bazashi lancèrent leurs flèches,  ralentissant l’assaut.
Déjà, Kimagona, Makusi et Hitoni lui-même dévalaient de la terrasse afin de porter secours à Tanaka.
Celui-ci se défendait, bondissant, s’effaçant, jaillissant à nouveau, reculant encore. A la lueur des torches, ses sabres n’étaient que des éclairs zébrant l’espace.
L’arrivée de ses compagnons soulagea la pression qui s’exerçait sur lui. La lance de Makusi virevoltait joyeusement, cognant du manche et trouant de la pointe. La hache du colosse Kilagona faisait le vide. Et le seigneur Bazashi, malgré son épouvante, cloué sur place,  ne pouvait quitter des yeux l’éventail d’Hitoni, rapide comme un accessoire de magicien et terriblement efficace, découvrant à tous coups le défaut des cuirasses adverses pour s’y infiltrer, puis déviant comme en se jouant les plus furieux assauts, avant de retourner à nouveau à son ouvrage de mort dans les rangs ennemis…
Les quatre hommes n’étaient pas seuls. Tokiwa les avait suivis. Elle luttait aussi avec vaillance, sa longue dague à la main. Tanaka la surveillait sans qu’il y paraisse, prêt à lui porter secours.
Le clan des Awazu perdit vite pied, son chef abattu. Bientôt ils prirent la fuite.
Le seigneur Bazashi reprenait lentement ses esprits dans la grande salle d’apparat de sa demeure. Il songeait que le combat contre les Awazu ne faisait, hélas, que commencer, soudain, le petit Hitori entra :
-Ce n’était rien, dit-il
-Ah… répondit seulement le seigneur (car in ne savait pas à quoi le ronin faisait allusion).
Ce dernier s’expliqua, tandis qu’un serviteur lui versait un bol d’alcool de riz :
jardin-japonais-Mon compagnon Kimagona croyait avoir entendu du bruit vers le jardin intérieur.
Bazashi ne put réprimer un tressaillement violent.
-Rassurez-vous, dit Hitoni, ce n’était qu’une fausse alerte. L’ennemi est parti, bien parti, il ne reviendra pas de sitôt.
L’autre parut soulagé. « Cette fois, j’en suis sûr » pensa le ronin.
-Eh bien, bredouilla Bazashi en se levant, je vais me reposer.
Et il sortit. Aussitôt entrèrent Makusi, Kimagona et Tanaka.
-Tout est tranquille, dit ce dernier.
Hitoni leur fit signe d’approcher. Ils obéirent, s’accroupirent près de lui.
-Je sais où est l’or, murmura Hitoni à voix basse d’un air de triomphe : le vieux Rat l’a enterré dans son jardin intérieur. Déjà, hier soir, il m’avait bien semblé le voir inquiet en passant là-bas… Maintenant, cela ne fait plus aucune doute ; Bazashi vient de tomber dans le piège que je lui avais tendu.
-Le jardin est grand, fit Kimagona, il faudra creuser longtemps.
-Inutile, reprit Hitori, il te suffira de prendre dans tes petites mains une grosse jarre remplie d’eau. Tu en verseras partout ; là où elle s’enfoncera le plus vite en terre, là sera l’or. Car la terre remuée aime l’eau et désigne du même coup la cachette.
-Tu es vraiment très rusé, remarqua Makusi en riant.
-en effet, interrompit Tanaka, mais l’or restera où il est…
Lui ne riait pas, parlant d’une voix grave et ferme. Les autres le dévisagèrent avec un air de profonde stupéfaction
Mais…, commença Kimagona, c’est toi qui…
Makusi poussa un profond soupir.
-C’est bien lui qui…, dit Hitoni lentement, seulement il ne savait pas alors que le vieux Rat avait une fille !
-Et c’est pour ça…, s’étrangla Kimagona, indigné
-Amis, déclare Tanaka, je vous fais la promesse de vous dédommager, et le plus vite possible
On aurait dit que l’éventail de fer s’agitait plus que de coutume entre les doigts fins d’Hitori. Comme malgré lui, la main de Tanaka se porta vers la garde de son sabre long.
Mais Hitori posa son éventail à terre et tendis sa main nue vers celle de Tanaka ; un sourire éclairait son visage.
-Ne t’occupe pas de dédommagement, dit-il, ce sera notre cadeau de noces
-D’accord ! approuva aussitôt Makusi, avant d’ajouter : D’ailleurs, bientôt, nous n’aurons plus besoin d’argent ; je vais écrire mon poème, il parait qu’on peut vendre certains très chers
Kimagona le bûcheron grogna, afin de marquer son incrédulité quant à cette façon de faire fortune

1 Simples guerriers
2 Ces masques, appelés mempo ou membo, représentaient des visages de démons ou de vieillards.

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