vendredi 18 octobre 2013

Les Quarante-sept Ronins

Pour les samouraï, la pratique des arts martiaux était le meilleur moyen de suivre le « bushido », code d’honneur du guerrier, dont une des lois fondamentale exaltait la fidélité absolue du serviteur à son maître.

En cette année 1701, l’empereur Higashiyama vit à Kyoto, la ville impériale, dans un palais somptueux et glacé. Il est le « fils du soleil », son existence se déroule en une suite sans fin de cérémonies raffinées et inutiles.
Le vrai maître du Japon est le shogun, chef suprême de la classe des guerriers, les samouraï ; il habite Edo, la véritable capitale du royaume, qui possède déjà deux millions d’habitants.
Mais il faut respecter les règles : au début de chaque année, le gouverneur d’Edo s’en va porter humblement  à l’empereur les vœux du shogun et lui jurer de sa part obéissance et loyauté. En revanche, aux premiers jours du printemps, des émissaire du mikado viennent à leur tour assurer le shogun de la confiance de leur maître.
Il s’agit là d’une démarche particulièrement importante, qui montre au peuple la légitimité du shogun, fait reconnaître officiellement son pouvoir. Aussi, en cette année 171, le shogun Tokugawa donne-t-il des ordres pour que les émissaires du mikado soient reçus en grande pompe, le plus fastueusement possible.  Il charge Asano Naganori d’organiser leur séjour.
-Seigneur, dit l’intéressé en s’inclinant, pardonnez-moi, je suis ignorant en matière d’étiquette. Je ne connais pas tous les usages de notre cour et risque de commettre ainsi des erreurs qui feront tort à votre réputation…
-Asano, tu es un des princes qui gouvernent avec moi ce pays. Fais ce que je te demande, et fais-le à la perfection. D’ailleurs, tu demanderas conseil à Kira Yoshihisa, notre grand maître des cérémonies.
-En ce cas, tout ira bien, seigneur.
Asano s’incline et se retire ; il reste cependant préoccupé par la lourde responsabilité que son maître vient de lui donner.
Leprince Asaso n’a pas tort de s’inquiéter, car Kira Yoshihisa est un vieillard corrompu, jaloux et malhonnête, ayant au moins deux raisons de le détester. La première est qu’Asano est vingt fois plus riche que lui, maître du château d’Ako, gardé par trois cents samouraï, et gouverneur de la province d’Iga. La seconde, c’est qu’il est amoureux de la jeune et belle épouse du prince, et que celle-ci, bien entendu, a repoussé ses avances, allant même jusqu’à le menacer du poignard qu’elle porte dans ses vêtements, comme toutes les femmes de la haute société. Par malheur, l’épouse du prince n’a pas jugé utile de prévenir son mari des manèges de Kira, tant elle dédaigne ce dernier.
Ce qui n’arrange pas les choses non plus : le daimyo Asano, lui, a des principes d’honneur et de droiture. Il estime que les fonctionnaires doivent remplir au mieux leurs devoirs, sans qu’il soit besoin de les « acheter » en leur offrant des cadeaux, comme c’est l’usage. Aussi, se contente-t-il d’envoyer des serviteurs au chef du protocole, lui annonçant qu’il aura besoin de lui.
Kira enrage en recevant les serviteurs aux mains vides, ne lui portant que des présents symboliques, de simple politesse. Mais bientôt sa rage se change en joie maligne. Il vient de trouver le moyen de se venger du riche Asano et, par là même, de sa chère épouse.
Que fait-il. Il disparait, simplement. Ainsi, il ne pourra pas aider Asano de ses conseils indispensables. Il se dit que, plus tard, il trouvera une excuse publique à sa conduite : mais le mal sera fait, un mal que le puissant shogun ne pardonnera jamais à son daimyo…
Les envoyés de l’empereur sont annoncés, Asano Naganori essaie de s’organiser au mieux. Ses gens cherchent partout Kira, mais il est facile à ce dernier de se cacher dans la forteresse du shogun, si importante qu’elle possède, dit-on, cent mille serviteurs et gardes !
Le 12 mars, les envoyés de l’empereur arrivent. Ils sont trois, fatigués du voyage mais impassibles et solennels. Ils portent sur la tête un chapeau de tissu laqué, de couleur violette, signe du rang le plus élevé. Le shogun Tokugawa les reçoit aussitôt en audience. Là, tout se passe bien. Puis les émissaires se retirent dans les appartements préparés pour eux.
Asano est sur des charbons ardents :
-Mais où est-il, ce vieux démon de Kira ? Demain, un banquet est prévu, une représentation théâtrale… Malheur sur moi, si le moindre incident se produit !
Le 13 mars, le repas est une réussite et les envoyés du mikado semblent éprouver une grande satisfaction en regardant le spectacle traditionnel du Nô(1). Asano respire, mais il sait ne pas être au bout de ses peines : le lendemain a lieu la grande réception d’adieu offerte par le shogun à ses hôtes. Il faudra y respecter un cérémonial compliqué, que lui-même ignore presque complètement. Il a essayé d’interroger là-dessus d’autres seigneurs, mais chacun explique les choses de façon différente…
Les envoyés illustres sont à nouveau dans leurs appartements ; Asano vient de les raccompagner en personne.
Et voilà qu’au détour d’un couloir il aperçoit au loin une ombre maigre qui trottine : Kira ! oui ! Kira Yoshihisa lui-même ! Il se précipite :
-Kira ! Enfin, je vous trouve !
L’homme n’est pas content, mais il est bien obligé de s’arrêter, un mauvais sourire aux lèvres.
-Demain, l’interroge le prince, que dois-faire, que dois-dire ? Renseignez-moi, je vous en prie, je suis perdu…
-Il fallait s’occuper de cela à l’avance, et dans les règles, réplique, réplique le chef du protocole. Je n’ai pas le temps de vous parler aujourd’hui.
Et il reprend sa marche dans le couloir, en haussant les épaules, content de lui, laissant Asano stupéfait, anéanti.
Un peu plus loin, pourtant, il se retourne et ajoute :
-Que cela vous serve de leçon.
Cette fois, c’en est trop : la phrase est une insulte ! en l’espace d’un éclair, le sabre du prince se trouve dans sa main, tandis qu’un bond prodigieux l’amène face à Kira :
-Vous allez me répondre ! gronde-t-il. C’est l’ordre du shogun, votre maître et le mien.
-Non…, fait l’autre en hochant la tête.
Le sabre ne lui inspire aucune crainte. Comme chef du protocole, il connaît assez les règles pour savoir que son interlocuteur n’a pas le droit de se servir de son arme en cet endroit et à  cette occasion.
Le sabre siffle pourtant, d’un geste d’une précision inouïe.sa pointe coupe de bas en haut la robe de soie de Kira, sans toucher la peau de l’homme. Celui-ci hurle de saisissement devant l’offense, serre l’étoffe tranchée contre son corps. Maintenant, il a peur, sans aucune réserve, ses insultes pleuvent :
-Fou ! Soudard ! Chien galeux ! à l’aide ! crie-t-il
-Vous allez vous taire !
Asano n’en peut plus d’indignation. Et la lame siffle à nouveau, frappant l’homme à la douche d’une longue estafilade. Le sang jaillit… Mais déjà les gardes du shogun sont arrivés ; ils interviennent, arrêtent le prince malgré son rang. La loi est formelle : nul n’a le droit de tirer la lame hors du fourreau dans le palais du chef suprême des samouraï.
-Nous allons prévenir notre maître.
La colère du shogun est grande, sa punition terrible. Sans même écouter le récit complet de l’affaire, il ordonne le hara-kiri(2) pour son daimyo, qui a osé frapper un seigneur désarmé dans l’enceinte de sa propre maison…
Asano Naganori passe la nuit en méditation, vêtu de vêtements blancs immaculés. Il écrit, comme le veut l’usage, un dernier poème, y parle de ses trente-six années d’existence qui vont maintenant se disperser au vent comme des pétales de fleurs…
A l’aube, il dit adieu à sa femme et s’enfonce calmement dans le ventre la lame de son sabre. Selon la croyance des samouraï, c’est dans cette partie du corps que se trouve la source de la force, le siège de la vie.
Ils sont deux cents quatre-vingt-dix-neuf guerriers alignés près de la porte du château d’Ako. Ils se tiennent immobiles, pas un muscle de leurs visages ne bouge. Ils écoutent… ce sont les deux cent quatre-vingt-dix-neuf samouraï de la garde du prince Asano. Le trois centième, Muralami Kiken, est loin en mission ; il ignore tout du drame dont son maître a été la victime.
Devant les samouraï, l’envoyé du shogun est dressé sur son cheval nerveux. Vêtu d’une cirasse légère couverte de poussière du chemin, les deux sabres au côté et sur le vente, il tient en main un long parchemin qu’il lit d’une voix criarde.
Les samouraï n’écoutent pas, ils continuent de réfléchir. Ils savent depuis la veille tout ce que dit le héraut : la mort d’Asano Naganori, la confiscation de ses maisons d’Edo, de son château et de tous ses domaines. Ils savent aussi le rôle de Kira, le maître des cérémonies… et c’est là-dessus que leurs sentiments divergent.
Le propre frère d’Asano est venu les voir la nuit précédente, alors qu’ils tenaient conseil autour d’un vaste feu de bois. Il leur a dit qu’il fallait s’incliner devant la volonté du shogun, devant la justice du shogun. Et beaucoup pensaient comme lui.
Mais d’autres ont réagi de façon différente. Le valeureux Oishi Kuranosuke le premier.
-Eh quoi ! avait-il grondé, nous avons pendant des années servi un maître digne et noble, un maître qui nous a fait confiance et nous a traité comme des frères. Et aujourd’hui qu’il est mort, victime d’un scélérat, nous n’aurions qu’à nous incliner, qu’à dire merci et à partir chacun de son côté en oubliant le passé et l’offense ?
-Nous sommes les serviteurs du daimyo, répliquaient les autres, mais le daimyo est le serviteur du shogun. C’est le shogun qui détient la vérité suprême.
Oishi avait serré les poings, sans se laisser convaincre :
-Non ! je nepeux accepter…
L’homme à cheval termine sa lecture. Il replie le parchemin et annonce en relevant la tête :
-Un autre gouverneur viendra très vite. Il possède ses propres samouraï et n’aura pas besoin de vous. Vous devrez avoir quitté le château avant son arrivée.
Là non plus, les deux cent quatre-vingt-dix-neuf guerriers n’ont aucune réaction. L’envoyé du shogun les regarde un instant, hausse les épaules, tire la bride de son cheval mongol, le talonne et repart au grand galop en direction de la capitale. Il a une longue traite à parcourir, sept ou huit jours de voyage : Edo se trouve à six cents kilomètres de la province d’Iga.
C’est seulement lorsque la silhouette du cavalier a disparu au loin qu’Oishi prend la parole.
-Nous voilà devenus des ronins(3), dit-il calmement. Que ceux qui approuvent mes paroles de cette nuit me suivent. Nous verrons ce qu’il convient de décider.
Quarante-six ronins suivent Oishi, les autres s’écartent. Alors, les quarante-sept guerriers fidèles rédigent ensemble un serment sur un rouleau de papier, avec leur propre sang en guise de peinture. Ce rouleau, ils vont le brûler devant l’autel des Esprits et en boire chacun les cendres dissoutes dans du saké(4).
Oishi leur expose ensuite son plan. Ils jurent tous de n’en parler à personne et de le respecter, leurs quarante-sept sabres tendus vers le soleil.
Et puis, à leur tour, ils vont partir, l’un après l’autre, abandonner le château de leur  maître défunt… Lorsqu’un mois plus tard le nouveau daimyo arrive avec ses soldats, ses seigneur, ses équipages, il n’y a plus un seul guerrier dans la forteresse d’Ako.
Le trois centième samouraï, Murakami Kiken, revient de voyage. En même temps que la tristesse, la colère lui étreint le cœur en apprenant la mort du prince Asano. Il recherche ses compagnons, ne retrouve personne.
-Ils sont tous partis ! s’écrie-t-il. Kira Yoshihisa peut donc vivre en paix ? Ce n’est pas possible ! Je dois revoir les autres samouraï, quelques-uns du moins, savoir ce qu’ils ont décidé…
Murakami se renseigne, bat la campagne. Il finit par retrouver Oishi. Le ronin est attablé dans une taverne proche, buvant du saké, les yeux brillants, le teint rouge, ivre en apparence.
-Oishi ! c’est moi, Murakami. J’ai appris la terrible nouvelle…
-Murakami ! De quelle nouvelle parles-tu ? La mort d’Asano ? Bah ! il meurt des samouraï tous les jours. Assieds-toi, plutôt que de divaguer, et viens boire avec moi.
-Lâche ! crie Murakami. Toi que je considérais comme le meilleur d’entre nous ! oui, tu n’es qu’un lâche !
L’espace d’une seconde, la bouche d’Oishi semble se tordre de colère sous la terrible injure qui le frappe, un éclair flamboie dans son regard, son bras se lève… Puis les lèvres se détendent, les yeux se ternissent, le bras retombe.
-Viens boire ! répète-t-il en hoquetant.
Marakami est déjà parti, pâle de désillusion… il cherche d’autres anciens compagnons, en retrouve encore certains. Mais le premier affirme que la loi du shogun est la loi la plus haute, le second lève les bras au ciel en disant :
-Pourquoi parler de vengeance ? Il faut vivre. Tiens, je viens de m’engager chez un riche marchant. Je pars accompagner une caravane, la protéger des voleurs. Veux-tu venir avec moi ?
Non, personne ne songe à venger le prince Asano. Les uns sont sincères. Quant aux autres, les quarante-sept fidèles, ils cachent leurs sentiments, car ils ont juré de se traire jusqu’à l’heure de la vengeance. Un serment que nul n’a le droit de trahir, même pour Muralami Kiken.
Car ils savent que, à Edo, Kira, le chef du protocole est loin de se sentir en sécurité et qu’il envoie espion sur espion dans la province d’Iga.
Les espions s’en reviennent en disant à Kira Yoshihisa :
-Vous pouvez dormir en paix, seigneur.
-Oishi ?
-Lui ? Il ne fait que boire ! Il est ivre du matin au soir. J’ai tiré moi-même son sabre hors du fourreau : la lame était couverte de rouille.
Kira sourit, soulagé, son visage en grimace d’aise. Malgré la couche de fard qui le couvre, la cicatrice du coup de sabre d’Asano se voit encore, rouge, allant de l’oreille gauche presque jusqu’à la droite.
-Et les autres samouraï ? demande-t-il pourtant.
-Ce sont des ronins… Ils sont dispersés dans tout le pays, pour la plupart au service de marchands ou de nobles.
-Vraiment !
-Muralami Kiken, le seul, semble-t-il qui vous veuille du mal …seigneur, est parti pour l’Empire du Milieu(5), d’où il ne pourra revenir avant des années.
-C’est bien, dit Kira Yoshihisa. Pourtant, au fond de lui-même, il reste troublé…
Il n’a pas tort. En effet le feu couve sous la cendre. Il couvera encore de longs mois, au prix des plus grands sacrifices pour chacun des quarante-sept fidèles.
L’un refuse un jour de se battre alors qu’il est offensé. Il refuse, car il risque de périr au cours d’un duel contre un homme de guerre habile et son serment lui interdit de mourir encore.
Un deuxième vend sa maison dépossède sa femme et son fils : il a besoin d’acheter de bonnes armes pour d’autres compagnons trop pauvres pour en acquérir eux-mêmes.
Un troisième abandonne la fiancée qu’il aime, persuadé que la vengeance se terminera mal, et ne voulant pas qu’elle soit malheureuse. Il se fait passer pour un voleur afin que la jeune fille l’oublie vite.
On dit que la mère d’un autre samouraï du prince Asano se poignarde afin de ne pas être à charge pour son fils, dont elle devine la mission secrète…
Toutefois, la plupart des proches et des amis des quarante-sept samouraï, familles nobles, habituées aux choses de l’honneur, adeptes du bushiodo, ne comprennent pas. Nombre de femmes, d’enfants, de camarades éprouvent honte et mépris, pour leur mari, leur père ou leur ami, oublieux du devoir sacré !
Mais les quarante-sept supportent toutes les offenses, tel Oishi lui-même, le preux chevalier, qui boit comme un trou et brûle à l’intérieur de rage contenue.
Cela jusqu’au jour où il devient clair que Kira Yoshihisa abandonne toute inquiétude, et qu’aucun espion à sa solde ne se trouve plus dans la province.
Déguisé en bateleurs, en joueurs de biwa(6), des samouraï se rendent à leur tour à Edo, constatent que la garde autour du grand chef du protocole est devenue moins nombreuse. Habilement, ils se renseignent sur les faits et gestes de Kira, sa façon de vivre, sur son habitation en ville. C’est là, hors du palais, qu’ils projettent de l’abattre.
La résidence de Kira se dresse au bord d’une rivière, près d’un grand pont de bois, au milieu d’autres habitations de notables, dans un quartier désert.
Elle se compose d’un ensemble de bâtiments de bois, aux lourdes portes soigneusement fermées. Il neige. Silencieusement, des barques accostent sur la rive. Commandés par Oishi, les ronins sautent à terre, casqués, vêtus d’armures, portant tous le Mon, signe distinctif du clan d’Asano. Outre leurs armes, ils apportent des échelles et un lourd bélier. D’autres samouraï, pendant ce temps, franchissent le pont, telles des ombres.
Ils sont au complet, les quarante-sept fidèles, progressant par bonds rapides vers les bâtiments. Ceux qu’occupent Kira sont au fond d’une ruelle bientôt atteinte.
-Les échelles ! ordonne Oishi Kuranosuke.
Aussitôt les échelles sont dressées, des archers montent au faîte du mur. Oishi sourit de contentement.
-Au bélier !
Douze samouraï s’élancent, les plus robustes, portant sur leurs épaules la lourde pièce de bois, ferrée à son extrémité… Un fracas énorme fait sursauter tout le quartier. La porte ayant résisté, les coups de bélier se succèdent…
Douze gardes veillent sur Kira. Réveillés, ils font irruptions, leurs armes à la main, dans la cour intérieure. Les cordes des arcs se tendent, les flèches sifflent
-Benzaï(7) !
La porte d’entrée vient de s’écrouler ; la troupe des samouraï s’engouffre à l’intérieur, hurlant un cri de guerre. Les gardes de Kira, ceux qui ne sont pas tombés  percés de flèches, sont alors balayés en un instant. A peine quelques heurts d’acier contre acier se font-ils entendre. La bataille ne dure guère.-Kira, où est Kira ?
Les samouraï hurlent plus fort encore, affolant les servantes et les serviteurs désarmés. Une femme montre du doigt un réduit utilisé pour serrer le linge sale. C’est là que s’est réfugié le maître des cérémonies, blême d’épouvante…
Les fidèles d’Asano le tirent de sa cachette.
-Qu’on apporte ses sabres ! ordonne Oishi.
Mais Kira se traîne sur le sol, gémit, pleure, implore la pitié, refuse de se battre. A nouveau un sifflement dans l’air.
-Justice est faîte ! dit Oishi


Dehors, les serviteurs des maisons voisines se tiennent en armes devant les portes, mais se gardent d’intervenir dans cette affaire d’honneur. Un des quarante-sept samouraï monte sur un cheval qui l’attend, et part au grand galop : il est chargé de prévenir la famille du prince Asano que celui-ci est vengé. Les autres samouraï se dirigent vers les barques, y prennent place et descendent lentement la rivière jusqu’au temple de sengaku-ji, où est enterré leur maître.
Là, en procession solennelle, ils déposent sur la tombe du prince le sabre qui a tué Kira et une note l’informant de l’accomplissement de la vengeance.
Ensuite, ils vont se constituer prisonniers, sans résistance, auprès de la police du shogun. Leur procès va durer plus d’un an ; le peuple d’Edo les acclame à chaque occasion, et nombre de samouraï viennent leur rendre hommage. Le shogun lui-même les admire. Il les fait pourtant condamner à mort par hara-kari, une mort honorable, comme celle de leur maître.
Comme lui, le 4 février 1704, quarante-sept ronins vêtus de blanc, couleur de deuil, vont écrire chacun leur poème d’adieu, respirer une dernière fois l’odeur d’encens que distillent les brûle-parfum, s’agenouiller, saisir d’une main ferme leur sabre court et mourir de la mort des samouraï.
Ils sont quarante-six seulement, car le shogun n’a pas voulu faire juger le quarante-septième ronin, celui qui était allé prévenir la famille du prince.
Lui va vivre jusqu’à l’âge de quatre-vingt-six ans, avant d’être enterré parmi ses compagnons au temple de Sengaku-ji.
Mais, en vérité, il y a aujourd’hui quarante-huit tombes au temple on y a mis aussi celle de Murakami Kiken, le samouraï parti en Chine, désespéré car, à son retour, lorsqu’il apprit la vengeance, il se sentit si coupable d’avoir traité ses frères d’armes de lâches qu’il voulut partager leur sort et se fit hara-kiri aussitôt

Telle est la légende des quarante-sept ronins fidèles, une légende qu’aujourd’hui encore chaque Japonais connaît par cœur

Théâtre lyrique japonais, où se mêlent la musique, la danse, la prose et la poésie
Suicide particulier au Japon qui consiste à s’ouvrir le ventre horizontalement au moyen d’un sabre court.
Samouraï sans maître
Alccol de riz
Nom par lequel les Chinois désignaient leur pays.
6 Luth
7 en avant

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