22-Un Fou et un Sage1
Certain Fou poursuivait à coups de pierre un Sage.
Le Sage se retourne, et lui dit : Mon ami,
C'est fort bien fait à toi, reçois cet écu-ci :
Tu fatigues assez pour gagner davantage.
Toute peine, dit-on, est digne de loyer.
Vois cet homme qui passe, il a de quoi payer :
Adresse-lui tes dons, ils auront leur salaire.
Amorcé par le gain, notre Fou s'en va faire
Même insulte à
l'autre Bourgeois.
On ne le paya pas en argent cette fois.
Maint Estafier2 accourt : on vous happe notre homme,
On vous
l'échine3, on vous
l'assomme.
Auprès des Rois
il est de pareils Fous :
A vos dépens
ils font rire le Maître.
Pour réprimer
leur babil, irez-vous
Les maltraiter
? Vous n'êtes pas peut-être
Assez puissant.
Il faut les engager
A s'adresser à
qui peut se venger.
La source de cette fable est Phèdre (III, 5),
1 : au XVIIème, sage signifie généralement
"modéré, maître de ses passions"
2 : valet de pied qui suit un homme à cheval, qui lui
tient l'étrier (Furetière)
3 : on lui rompt l'échine, on l'assomme
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